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Page:Revue de l'histoire de Versailles et de Seine-et-Oise, année 1919.djvu/341

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l’interprétation de versailles


LE JARDIN DU ROI

Le coin que je préfère est le Jardin du Roi.
Une pelouse, et çà et là, dans l’herbe drue,
De grands arbres d’où tombe une paix inconnue,
Nul portique pompeux sur un feuillage droit.

Mais de l’herbe et des fleurs, le silence d’un bois,
La terre qui embaume ainsi qu’une chair nue
Et la sensation de l’heure continue
Du temps qui meurt et ressuscite autour de moi.

Comme le soir est doux, l’ombre tiède et vivante !
Et dire que jadis une nappe mouvante
À la place où je suis étendait son niveau !

Sur le Jardin du Roi flottait l’Isle Royale ;
Au lieu d’herbe ondulaient des plantes estivales,
Et les gerbes de fleurs étaient des gerbes d’eau.


LA MÉNAGERIE

Un pavillon croulant au bord d’une prairie ;
Des escaliers où l’herbe entre les dalles pousse,
Et le lierre noir, le lichen et la mousse,
Le long des anciens murs de la Ménagerie.

Le Grand-Canal étend son parterre d’eau rousse,
Et Trianon, dans sa pompeuse symétrie,
Face à face, découpe au loin la rêverie
De son fantôme blanc sous la lumière douce.

Les salons où vécut Madame la Dauphine,
Les cours pleines d’oiseaux et de bêtes sauvages,
C’est aujourd’hui du vent, du songe et des ruines.

Et le ciel nuancé de turquoise et d’orange
Plane seul à la place où les paons fabuleux
Rouaient des astres d’or sur leurs éventails bleus.


LA COLONNADE

Matins tièdes où bruissait la Colonnade !
Et le murmure frais jailli du cercle d’eaux,
Les feuillages mouvant leur paisible rideau,
Les petits cris, la chair peureuse des naïades…

Frissonnants au soleil, des seins de neige, un dos,
Roses, étincelaient sous la blanche cascade.
Elles faisaient surgir un temple des arcades,
Leurs corps étant divins à force d’être beaux.