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Page:Revue de l'histoire de Versailles et de Seine-et-Oise, année 1919.djvu/350

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dans la littérature contemporaine.

TRIANON D’AVRIL

Quand l’aube a nuancé de ses roses pâleurs
La verdure qui mousse à la cime des arbres,
Trianon sent l’avril ranimer ses vieux marbres
Et rit de s’éveiller dans un printemps de fleurs.

Sa beauté s’enlumine encor de la rosée
Que le frais du matin sur l’herbe vient figer.
Comme en un souple corps, dans ce cadre léger,
L’âme du temps jadis revit, subtilisée.

Toute surprise aussi de ce vernal éveil,
De gouttelettes d’eau la pelouse gemmée
Étale sa splendeur, telle une femme aimée,
Et livre sa jeunesse aux baisers du soleil.

Une poussière d’or danse sur la terrasse,
Et la vierge qui passe en ouvrant son œil clair,
Buvant l’amour dans la transparence de l’air,
Sourit à ce décor de lumière et de grâce.

Trianon est toujours le temple du passé.
Une odeur d’autrefois dans les chambres persiste ;
Les meubles de bois blanc ont une douceur triste
En tendant au passant leur satin effacé.

Le lent travail du temps fend les biscuits de Sèvres,
Acidule la voix grêle du clavecin,
Et sur les pastels gris dont se perd le dessin,
Pâlit le bleu des yeux et le rose des lèvres.

Une mélancolie afflige Trianon
De n’ouïr plus jamais l’âme de l’épinette
Chanter sous les doigts fins de Marie-Antoinette
Dont Lamballe plissait le fichu de linon.

Et désormais au Parc désert, par les allées
Où la Reine à Fersen venait parfois rêvant,
On entend sangloter dans la plainte du vent
Le charme douloureux des choses en allées…

(La Statue mutilée.)

M. Fernand Gregh, dans son Versailles d’Automne, trouve encore des accents noblement émus pour célébrer la majesté dolente du Parc aux feuilles mortes :

Dans les rameaux mouillés qu’un souffle tiède essuie,
S’entend un monotone et frais ruissellement,
Bruit de feuilles tombant continuellement,
Bruit de feuilles pareil à celui de la pluie.