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Page:Revue de l'histoire de Versailles et de Seine-et-Oise, année 1919.djvu/349

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l’interprétation de versailles

AUTOMNE DANS LE PARC

Une brume de cendre argentée a couvert
Les grands bois effeuillés où s’attriste l’Automne ;
Le sommeil engourdit le bassin de Latone,
La solitude rampe au bord du Tapis-Vert.

Le vieux Parc, dédaigneux de toute fantaisie,
Suivant d’amples dessins rectilignes planté,
Étire avec ennui sa grave majesté
Dont le déclin se vêt de tant de poésie.

On avance à pas lents dans une oasis d’art
Où les vaines rumeurs des foules se sont tues.
De leur socle de pierre émergent des statues :
Nous évoquons Coustou, Coysevox et Mansart.

Comme dans une nef, à travers les verrières,
Les rayons du soleil pénètrent par endroits ;
Et des arbres, pareils à de hauts piliers droits,
On dirait qu’il descend un conseil de prières.

Nous aimons le frisson de ces âges passés,
L’or du soleil jouant sur l’or des feuilles jaunes,
Le regard indulgent des Termes et des Faunes
Dont le temps a poli les rires grimacés.

Ces maîtres d’autrefois que notre amour vénèree
Errent par les beaux soirs au fond des bois touffus,
Robustes et vivants, et pareils à ces fûts
Cambrant avec fierté leur orgueil centenaire.

Là, s’épure l’amour devant tant de grandeur ;
Et nous rêvons qu’après la mort on nous enterre
Au pied d’un dieu sylvain qui songe solitaire
Et dont l’âge ennoblit l’immobile splendeur.

Nous rêvons qu’on nous rende à l’ombre maternelle
De ce Parc, où bruit le vol de nos aveux,
Quand nos deux âmes sœurs, jetant leurs derniers feux,
S’éteindront à jamais dans la nuit éternelle.

Que tout ce qui fut nous demeure enseveli
En un coin de ce Parc où personne ne passe,
Plus perdu que le plus faible point de l’espace,
Sous un tombeau muré de silence et d’oubli.

(L’Allée du Silence.)