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Page:Revue de l'histoire de Versailles et de Seine-et-Oise, année 1919.djvu/352

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dans la littérature contemporaine.

Accourus à l’appel de la funèbre chasse,
Ont quitté la maison, le parc et la terrasse !
Hélas ! les eaux, les bois semblent disgraciés…
Qu’importe, beaux massifs, que vous refleurissiez ?
Vous ne rendez jamais, si clair que le jour naisse,
Au tendre Trianon sa luisante jeunesse ;
Les brillants orangers, d’un vert vif et verni,
Ne peuvent empêcher que le temps soit fini
Où le parterre ardent riait sous ses corbeilles,
Où les femmes étaient de vivantes corbeilles
Et leurs cheveux, la source au reflet argentin ;
Le temps où, quand sonnait neuf heures du matin,
On voyait sur un banc, tenant un bol de crème,
Cette enfant qui sera duchesse d’Angoulême ;
Le temps où, quand le soir semble soudain trop doux,
Si bien qu’un corps charmant étouffe tout à coup,
La reine brusquement entr’ouvrait sa fenêtre
Et, voyant s’obscurcir la nuit qui vient de naître,
Entendait frissonner la rose et le lézard,
Chantant pour soi des airs que lui montra Mozart,
Rêvait à des amours secrètes et sereines…


LE ROSSIGNOL DANS LE JARDIN DU ROI

Ah ! comme tu t’émeus, t’énerves et tressailles,
Vertigineuse nuit des jardins de Versailles !
Les larmes de mon cœur, montant comme un jet d’eau,
Semblent jaillir soudain du gosier d’un oiseau.
— Rossignol qui chantez dans le léger cytise,
Flambeau mélodieux que le vent doux attise,
Je remets ma douleur à vos divins accents.
Soupirez pour mon cœur, sanglotez pour mon sang !
Vous chantez cette nuit au-dessus du parterre
Où des rosiers, gonflés d’un solennel mystère,
Menés par quelque dieu des jardins et des eaux,
Au son de je ne sais quels cristallins pipeaux,
Forment une amoureuse et langoureuse ronde
Et semblent reliés par leur odeur profonde…
Ô lune ! ô banc de pierre ! ô vase de granit !
Romantique douceur, désespoir infini !
Et pourtant le bonheur est là, qui se repose
Dans le parc alangui, dans ce salon des roses !
… Hélas ! tous ces rosiers, comme ils viennent sur moi,
Par leurs soupirs, par leur parfum, par leur émoi.
Je les vois dans la nuit, en cercle, autour de l’urne.
La nuit semble expansive et pourtant taciturne.