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Page:Revue de l'histoire de Versailles et de Seine-et-Oise, année 1919.djvu/354

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dans la littérature contemporaine.


Jardin de mon pays, temple élu de ma race,
Jardin de mes vertus et de ma volupté,
Il fallait le clairon, le tumulte du Thrace,
L’ombre d’un oiseau noir au ciel de ton été,

Pour savoir et sentir qu’en ta paix menacée
Le Barbare attendait au bien de mon souci
Le plus cher, fibre vive avant le fer blessée —
C’est toi, Mort, le héraut des Sésames d’ici !

ii

Salut, Mort, qui fais vivre et palpiter les pierres
Et jaillir un trésor de chaque morne bloc,
Attiseuse de feux, brasseuse de lumières,
L’être se tend à toi comme la glèbe au soc ;

Ô Mort, artiste unique, ô féconde en miracle,
Quand au cadran du temps tu promènes ta faulx,
Chaque moment touché devient un tabernacle
Riche d’extase vierge et de rayons nouveaux ;

Et tu fais rayonner jusque sur le visage
Du défaillant Amour, sous le masque de chair,
Ton grand sourire obscur, et véridique, et sage,
Au baiser du départ sublimement offert.

iii

Ce soir, de quel azur as-tu pétri ces ombres ?
Quel éther ébloui vibre dans ces lueurs ?
Quel monde sais-tu peindre en nos prunelles sombres,
Redoublé de magie, attisé de splendeurs ?

Pour que nous refermions nos yeux sans larmes viles
Et sans regret nos cœurs sur notre bien repris ?
Prodige ultime, flamme aux fronts les plus serviles,
Que ton suprême don, ô Mort, soit ton mépris !

Sûrs que rien de plus fort n’assaille ou ne dilate
Notre totalité d’énergie et d’amour,
Qu’importe de périr ! Que la grenade éclate
Au sommet du Destin et de l’Arbre et du Jour !

iv

Riant aux contes bleus de nos métamorphoses,
Enfants bercés qu’un chant de sphères assoupit,
Nous rentrerons au rêve indéfini des choses,
Et déjà le Jardin de nos Sangs refleurit.