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Page:Revue de l'histoire de Versailles et de Seine-et-Oise, année 1919.djvu/373

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augusta holmès.

piano, voire compositrice à ses heures, telle elle nous est dépeinte par les familiers de ses soirées du mardi[1].

Illuminations, lanternes vénitiennes, feux de Bengale, récitations poétiques, auditions musicales, chansons et comédies, cliquetis de rires et de joyeux propos, mystifications bruyantes, mais aussi discussions d’art éliminant les éléments ennuyeux et médiocres, tels étaient les attraits à la fois brillants et substantiels de ces réunions fantaisistes. Le plus parfait éclectisme présidait aux admissions de nouveaux membres ; mais il fallait montrer patte blanche et c’était, en l’espèce, dissimuler sous le masque frivole une personnalité vivante et intéressante…

Nina, dans sa robe à fleurs japonaises, recevait ses hôtes, soit au jardin, se balançant, la cigarette aux lèvres, en un fauteuil américain, sous un magnolia, — soit dans son salon, à demi couchée sur un sopha, entourée de fleurs et d’éventails, ou, toujours souriante, se promenant de l’un à l’autre, en tendant sa petite main fine.

On conçoit aisément l’attrait que devait exercer sur Augusta Holmès cette fantaisiste dont la physionomie s’apparentait à tant d’égards à la sienne. Villiers de l’Isle-Adam nous a silhouetté la musicienne au lendemain d’une fête vénitienne donnée rue des Moines, un soir qu’on dinait au jardin. Cependant que Marras s’entretenait de magie avec son disciple Henri La Luberne et le savant Charles Cros, que Jean Richepin observait M. de Polignac, l’aristocrate anarchiste, devisant avec le médium Henri Delaage, que Catulle Mendès et Stéphane Mallarmé se promenaient en discutant dans une allée, au clair de lune, Augusta « au bercer d’un hamac regardait vaguement la nuit ».

Retenons ce regard. Il nous ouvre des horizons sur cette âme. Elle fait mieux que rêver : elle médite. Les mystères de l’au-delà vont exercer sur elle une attraction croissante. Il lui arriva de s’adonner à l’étude des sciences occultes et d’évoquer les esprits dans les tables tournantes. Ces expériences, sans abuser sa crédulité, attirèrent son attention sur le monde invisible. À qui lui demandait ce qu’il en fallait croire : « Il faut, répondait-elle, croire surtout à notre faiblesse et faire acte d’humilité. Les yeux

  1. Notamment par Émile Goudeau (Dix ans de Bohême, Paris, lib. ill., 1890) et par Edmond Lepelletier dans son ouvrage sur Verlaine (Paris, Mercure, 1907).