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augusta holmès.

rejouait Irlande à tous les concerts Charpentier. Mais, en somme, plus de gloire que de profit.

C’est au professorat qu’elle dut demander des ressources et sur des leçons de piano et de chant qu’elle dut compter pour vivre, plutôt que sur la vente de ses œuvres ou le produit de ses concerts. Elle en prit d’ailleurs son parti avec une résignation courageuse, presque enjouée : « Les leçons disait-elle, c’est le pain ; les mélodies, ce sont les côtelettes. » Elle dut, plus d’une fois, se contenter du pain. Mais les dures nécessités de l’existence n’arrivèrent pas à modifier de fond en comble un tempérament naturellement sérieux et désintéressé. Le bénéfice pécuniaire qu’elle pouvait retirer de son art était ce qui comptait le moins pour elle, — ce qu’elle était, en tout cas, le moins capable de poursuivre. Même aux temps difficiles, elle ne joua jamais que pour les pauvres, — et si l’on exécutait Irlande, c’était pour la cause irlandaise. Son fameux Noël, dont la vogue n’est pas encore éteinte, avait été vendu à l’éditeur la somme insignifiante et définitive de 250 francs.

Elle se recueillit dans ses dernières années, et le sentiment religieux, cet instinctif refuge des âmes blessées par la vie, refleurit en elle au temps des épreuves. Je dois même à la vérité de constater qu’elle n’attendit pas, pour revenir à Dieu, l’ère des déceptions ultimes.

Protestante d’origine[1], c’est au catholicisme qu’elle demanda des consolations. Et il y a lieu de faire remonter au temps où elle composa Irlande, c’est-à-dire à 1885, les prodromes, sinon les débuts de sa conversion. Le souvenir des vers de Brizeux sur

    toutes celles que j’ai. Bonne exécution : 150 interprètes tout enflammés, ovations enthousiastes du public. »

  1. On l’a crue quelquefois juive. Elle a fait elle-même justice de cette légende dans une interview accordée à M. Gaston Méry : « À la Libre Parole on me croit israélite. Je suis heureuse d’avoir l’occasion de vous affirmer que cela n’est pas. Ce qui a pu le faire supposer, c’est qu’en effet, à une certaine époque de ma vie, j’ai vécu dans des milieux très enjuivés. Je vous accord même que je n’ai pas toujours su me dégager de leur influence. Mais ce serait bien mal à vous de me jeter la pierre, car combien d’autres, avant d’avoir lu la France Juive, subissaient cette influence, sans s’en rendre compte ? » Et elle ajoutait : « Drumont m’a un peu égratignée, mais je ne lui en veux pas ; je lui suis même reconnaissante, puisqu’il m’a appris à voir clair en moi-même. »