Page:Revue de l’Orient, tome 3, 1844.djvu/351

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elle prétend — être de la famille des roses. — Réjouissez-vous, amantes ; jeunes garçons, faites vos bouquets. —

Enorgueillie de sa longueur, — qu’elle prend pour mesure de sa noblesse, — elle sourit à sa queue, — qu’en guise de pompon elle a décorée d’un of — qu’elle fait sautiller çà et là, — of par ci, ef par là, — of dans tout le jardin. C’est charmant !

Les fleurs curieuses se disent l’une à l’autre : — Mais, ma sœur, est-ce donc une rose ? — Rose ! non, ma mie, mais une ronce. — Pauvres fleurs ! qu’allons-nous devenir ? — Mauvais augure que la ronce ! — Elle enlace, étouffe et nous fera mourir. —

Charmantes sœurs, reprend la ronce, — qui les entend ainsi discourir, — ne craignez rien, j’ai le même Dieu que vous, — comme vous je porte des fleurs et je vous invite à fleurir. —

Là ! là ! disent les fleurs, ronce, tais-toi, — tu n’as pas de Dieu, menteuse, — va donc, tire ta queue et déguerpis, — tu ne traînes après toi que malheur — avec ta sœur — la traînasse, qui s’insinue, perce la terre, — se faufile, se fait place en haut, en bas, dessus, dessous, — dedans, dehors et partout. — Va donc, menteuse, tire ta queue et déguerpis. —

La rumeur alors était grande ; — soudain, entre le jardinier, — il veut planter la ronce parmi les fleurs. —

Père jardinier, bon père, — sais-tu donc bien ce que tu vas faire ? — bouche ce trou, tu feras bien ; — arrose-nous, tu feras mieux ; — et si tu nous en crois, bon père, à l’instant, nous t’en prions, chasse et la ronce et la traînasse.

Vraiment ! répond le jardinier, mais non ! — non ! cent fois non ! et taisez-vous, mes belles, — vous n’entendez rien à l’affaire. — Chasser la ronce quand j’en peux faire — un églantier ? — y pensez-vous ! Boucher le trou ? chasser ces plantes ? — De tous mes soins prouvez-moi donc — que vous êtes reconnaissantes. — Permettez-moi de travailler au bien public, à sa richesse. — Un peu plus de confiance en moi, et je promets — que la ronce portera comme vous des fleurs odorantes. — Je l’enterai d’un rosier franc, — vous en deviendrez toutes jalouses. —

Bon jardinier, lui répliquent les fleurs, — rosier sauvage s’adoucirait ; — mais ceci n’est qu’une ronce, — dont la queue, terminée en of, nous enlace déjà de ses plis. — Qui sème mieux qu’un villageois ? — qui fane mieux qu’un oltean ? — qui conduit mieux qu’un paysan, — mieux qu’un pâtre

    nous est envoyée de Vallaquie, a trait aux derniers événements dont cette principauté vient d’être le théâtre.

    Le jardinier est l’hospodar ; la ronce, la politique russe ; la traînasse, ses agents ; et les fleurs sont les Vallaques.

    L’auteur de la lettre par laquelle cette pièce nous est parvenue regrette amèrement que le colonel Tuzel, Allemand au service de Vallaquie, et qui a combattu contre les Français pour l’indépendance de son pays, ait joué le rôle d’inquisiteur pour enlever de son régiment toutes les copies de cette allégorie politique que le patriotisme y faisait courir.