Page:Revue de l’Orient, tome 3, 1844.djvu/352

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

qui fait le fromage ? — mieux que toi, jardinier, qui peut — voir ce que promet la traînasse. — Travaille moins à notre richesse, — songe un peu plus à notre santé. — Prends l’arrosoir, laisse ton greffoir. — Ronce est ronce, herbe épineuse et rapace, — et, non plus que la traînasse, — le proverbe le dit, — ne la laisse jamais monter dans ta maison. — Nous connaissons ton zèle, ton savoir, tes fatigues ; — mais lance par-dessus la haie, de grâce, — et la ronce et la traînasse. Elles ne peuvent que jeter parmi nous — non la discorde et l’anarchie, mais le désespoir et la mort. — Gare à ta gloire, je t’en prie. Ainsi lui dit chaque fleur. —

N’avez-vous pas fini, fleurettes ? — Taisez-vous ! ou je vous assène — sur la tête un coup de plantoir. — Le trou est fait, mon honneur veut — que j’y plante la ronce. —

Ce disant, en dépit des fleurs, — il plante et ronce et traînasse. —

Mais tout à coup un vent venu de l’ouest — souffle, siffle, tourbillonne, — arrache la ronce, l’enlève, la fait pirouetter, — la brise en mille pièces et la disperse. — Une heure après, dans le jardin, — toutes les roses dansaient en se donnant la main, — et chantant : « Jardinier, prends garde à la traînasse dont chaque bras a mille nœuds — et dont chaque nœud est un of. — Of par-ci, ef par-là ; — gare les of ! gare les ef ! c’est une grêle, — jardinier, qui te ruinerait en nous donnant la mort. »



LE BEY DE TUNIS.




Une lettre de Tunis lue, le 5 avril, à la Société orientale et publiée depuis (dans le Constitutionnel du 7), a donné lieu, au sein de la Société, à une discussion vive et approfondie, de laquelle il semblerait résulter qu’on veut tenter de faire encore en France, en faveur du bey de Tunis, ce qui y a déjà été fait pendant quinze années au profit du pacha d’Égypte.

À l’aide de correspondances complaisantes, dont les auteurs, enguirlandés par les prévenances intéressées du prince tunisien, seraient même de bonne foi dans leurs éloges, on chercherait à représenter Sidi-Abmet comme un homme éclairé, progressif, ami de la France ; luttant avec énergie contre le mauvais vouloir, l’ignorance et le fanatisme de son peuple ; marchant à la conquête de la civilisation par des réformes sages, des institutions libérales ; illustrant son règne par des travaux utiles, par la fondation de grands établissements industriels, et enfin travaillant sans relâche à améliorer la condition morale et matérielle de ses sujets.

Le devoir de la Société orientale est, en proclamant la vérité, d’empêcher l’opinion publique d’être trompée sur de pareilles questions. Nous regrettons que l’espace nous manque aujourd’hui pour analyser avec étendue la discussion qui a dissipé le nuage d’éloges dont on voulait faire une auréole au bey de Tunis. Dans le prochain cahier de la Revue, nous reviendrons sur cette discussion, et nous ferons connaitre ce prince pour ce qu’il est réellement.

On nous annonce qu’un article louangeur doit aussi bientôt paraître dans un recueil orné de gravures sur bois ; notre rectification servira donc à la fois au Constitutionnel et à l’Illustration.

D. et H.