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qu’au sommet, deux renflements ou bifurcations latérales qui donnent au tout l’apparence d’une poupée : de là le nom chinois ginseng, qui signifie homme vivant, et non pas la vie de l’homme, comme l’ont prétendu quelques écrivains. Sur la foi des médecins chinois, le ginseng a été employé en Europe dans le courant du siècle dernier, mais on n’a pas tardé à se convaincre que les prodiges attribués à ce médicament ne s’opéraient que dans l’imagination des Orientaux, et que (voyez Richard, Botanique médicale), pour les propriétés réelles qu’il possède, on pouvait lui substituer cent autres plantes indigènes infiniment moins chères.

Les jeunes cornes de cerf forment un second article d’exportation presque aussi avantageux que le ginseng. Vers le commencement de l’été, peu de jours après que le cerf mâle a perdu le bois de l’année précédente, il se forme sur chaque cicatrice un renflement ou protubérance arrondie, qui n’est que le germe du bois à venir. Pendant plusieurs semaines, ces jeunes pousses sont recouvertes d’une peau veloutée, et leur substance est assez tendre pour qu’on puisse facilement les entamer avec un couteau ou même avec les dents. C’est dans cet état qu’elles sont très-recherchées par les Chinois et surtout par les Japonais, qui en font un grand usage dans leur médecine. Le prix élevé auquel on vend ce médicament met tous les montagnards en mouvement à l’époque du rut et fait livrer au cerf une chasse très-active. Nul doute que, si la population coréenne était plus dense, elle ferait bientôt disparaître des forêts ces timides et élégants animaux.

Les fourrures enfin fournissent aux Coréens une branche de commerce d’autant plus importante, qu’elles sont rares dans les provinces froides de la Chine, où le luxe les fait rechercher à des prix souvent incroyables. C’est aussi de Corée que les Chinois tirent la plus grande partie du poil de renard dont ils font leurs excellents pinceaux pour écrire.

Tout restreint qu’il est à un petit nombre d’articles, le commerce coréen serait susceptible de prendre beaucoup d’extension, si le gouvernement ne le paralysait avec tout le despotisme de son pouvoir. Ainsi, il n’est permis de commercer avec la Chine que deux fois dans l’année, et une fois seulement avec le Japon.

À la cinquième et à la onzième lune, c’est-à-dire vers la fin des mois de juin et de décembre, les marchands coréens se réunissent en caravane, et traversent le vaste désert qui sépare leur pays de la Chine, ils se rendent à Fong-Pien-Menn, petit village situé à la frontière du Leaotong : là, les autorités des deux pays limitrophes passent en revue et inscrivent avec soin tous les arrivants, afin de pouvoir s’assurer, à la fin de la foire, que chacun est rentré dans son pays respectif. Dix jours sont accordés pour les transactions commerciales du semestre, après quoi, la frontière est de nouveau fermée, et toutes relations entre les deux peuples sont sévèrement interdites.

Les échanges avec le Japon ont lieu à la septième lune, c’est-à-dire vers la fin du mois d’août, et se distinguent des précédentes en ce que ce sont les Japonais qui viennent apporter en Corée leurs marchandises, et y acheter