Page:Revue de l’Orient, tome 5.djvu/288

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sentants assez dangereux, ce qui est une conséquence naturelle de l’état de friche dans lequel le trouve le pays. On remarque une espèce de serpent gigantesque qui a souvent 20 ou 25 pieds de long, et qui ne peut appartenir qu’au genre boa. Elle était, dit-on, très-commune autrefois, mais elle disparaît insensiblement par suite de la guerre acharné que lui livre la pharmacie coréenne. Suivant les théories médicales reçues dans le pays, la substance cérébrale de ce grand reptile a le pouvoir de rappeler les malades à la vie et à la santé, quelque désespéré que soit leur état. On conçoit, d’après cette croyance, à quel prix une semblable panacée doit se vendre, et avec quelle ardeur on doit la rechercher. Cependant, autant le Coréen est avide de rencontrer quelqu’un de ces boas si appréciés en médecine, autant craint-il la rencontre du trigonocéphale ou celle d’un petit serpent fort commun dans les moissons, et dont la morsure cause la mort en moins d’une demi-heure.

Lorsqu’un de ces terribles accidents a lieu, on scarifie immédiatement la plaie et on y applique une substance dure et rouge, dont la composition m’est inconnue, ou bien encore une fève de Saint-Ignace dont on fait boire en même temps une très-légère infusion. Il paraît que ces deux substances ont le pouvoir d’absorber ou de neutraliser le venin ; car il est de fait que, sous leur influence, les personnes mordues par les serpents les plus venimeux ne tardent pas à se rétablir.

Tout ce que les Coréens savent en médecine, ils l’ont appris des Chinois, leurs voisins et leurs maîtres. C’est dans les innombrables ouvrages de médecine publiés en Chine que les Coréens à l’orient, et les Annamites à l’occident, puisent les notions qu’ils ont sur l’art de guérir. La science médicale est, par conséquent, aussi arriérée dans ces deux royaumes que dans l’empire soi-disant céleste. Idées complètement fausses sur l’anatomie et sur les fonctions physiologiques des organes ; opiniâtreté à faire le diagnostic des maladies uniquement par le pouls sans interroger le malade ; ignorance profonde sur la nature intrinsèque et l’action des médicaments ; traitement complexe et simultané de vingt affections diverses, dont chaque maladie est supposée être le résultat, voilà la faculté avec tous ses attributs ; ses prérogatives consistent en Corée, comme partout ailleurs, à pouvoir tuer impunément.

Les Chinois, comme on le sait, ne pratiquent point la chirurgie ; ils se contentent, dans des cas urgents, de faire des frictions ou des scarifications, d’appliquer des ventouses, des moxas, quelquefois même des sangsues. En cela, ils ne sont pas imités par les Coréens, chez lesquels on voit faire des opérations chirurgicales d’une grande hardiesse, telles, par exemple, que la ponction du thorax ou de l’abdomen dans les cas d’épanchements pleurétiques ou hydropisiques. Ces opérations, repoussées, je crois, par la plupart des docteurs européens, sont souvent couronnées de succès. J’ai connu un jeune homme, jouissant alors d’une parfaite santé, qui avait été poncturé quelques années auparavant, un peu au-dessous et à côté du sternum.