Page:Revue de l’Orient, tome 5.djvu/289

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Outre la science médicale, qui est principalement reléguée dans la deuxième caste, on cultive chez les grands les différentes connaissances requises en Chine pour le grade de docteur, telles que l’histoire, la statistique, la philosophie, la législation, etc. Si on s’en tenait aux dispositions de la loi, personne ne devrait être promu à la magistrature avant d’avoir fait preuve de son savoir sur ces matières. Mais, hélas ! quel est le pays où la loi est inexorablement appliquée sans acception de personnes ? À peine la France, après tant de siècles d’abus et tant de luttes, peut-elle répondre : « C’est moi ! » Comment la Corée, cette contrée placée si loin du foyer civilisateur, pourrait-elle conserver la force et la pureté de ses institutions ? Et, en vérité, il est très-fâcheux que la science n’y reçoive pas plus d’encouragements de la part de l’autorité, car le Coréen est, de sa nature, intelligent, avide de savoir, et persévérant au travail : pour peu qu’on excitât son émulation, on verrait bientôt la sphère de ses idées s’agrandir, sa pusillanimité disparaître et faire place à des sentiments élevés, dont jusqu’à présent il n’a pas même connu le nom.

La nature humaine est vicieuse partout, elle l’est en Corée ; on croirait cependant que les mêmes causes qui empêchent le développement de l’intelligence empêchent aussi l’accroissement du vice, car on y voit peu de ces grands désordres et de ces crimes affreux dont les pays les plus civilisés nous offrent de si fréquents exemples. L’ivrognerie est presque le seul vice inhérent au pays, mais il y est généralement répandu, et d’autant plus enraciné, que le gouvernement ne cherche en aucune manière à y apporter remède. Il est rare qu’on sorte dans la rue sans rencontrer quelques individus pris de vin. La Chinois ont au moins cet avantage sur les habitants de la Corée, que, si quelquefois ils se souviennent de finire tristitiam vitœque labores molli mero[1], ils ont soin de le faire dans l’intérieur de leurs maisons, et de ne sortir qu’après avoir bien cuvé le san-chou avec lequel ils se sont enivrés.

Le vol, le mensonge, la dissolution des mœurs sont des vices caractéristiques propres à toute la race mongole, et, par conséquent, aussi aux Coréens, quoique cependant ils ne s’en montrent pas aussi esclaves que les nations environnantes.

Arrivons à un fait extrêmement important, dont la découverte pourra peut-être faire époque dans la science ethnographique : disons quelques mots du langage coréen. La nature de cet idiome doit exciter d’autant plus la curiosité et les investigations des savants qu’il forme à mon avis, le chaînon si longtemps et si inutilement recherché, par lequel la race chinoise se rattache aux races indiennes. À défaut de monuments historiques qui pussent nous éclairer sur l’origine des peuples formant à eux seuls le tiers du genre humain, et le plus vaste comme le plus ancien empire du monde, on a été naturellement porté à analyser la langue la plus répandue parmi ces peu-

  1. Horat., ad Munatium Plancum.