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ment aux fluctuations de la langue chinoise. En second lieu, parce qu’il peut servir à fixer avec certitude l’origine de la nation coréenne. Il suffirait pour cela d’établir, d’après les anciens ouvrages chinois, à quelle époque la langue chinoise se présentait sous les formes mêlées dans l’idiome coréen. Cette tâche doit offrir, je l’avoue, bien des difficultés, mais je la crois d’autant moins impossible à remplir, que je me la suis proposée dans le cours des recherches relatives à mon Dictionnaire encyclopédique de la langue chinoise.

6o Suivant la caste de celui à qui on parle, le langage coréen revêt des formes différentes, soit dans le style, soit dans les mots. Un étranger qui n’aurait appris, par exemple, que le langage propre à la troisième caste ne comprendrait presque rien au langage de la première. Le chinois offre quelque chose d’analogue mais sur une échelle beaucoup moins étendue : je ne sache pas non plus qu’on trouve rien de semblable dans aucune autre langue vivante.

Maintenant, quels que soient les caractères d’après lesquels on jugera de l’affinité des idiomes en général, le coréen se présentera toujours comme tenant le milieu entre celui des Indes et celui de la Chine ; car, si on admet pour base d’affinité la ressemblance des formes grammaticales, l’élément radical est là, dans chaque mot, pour prouver que le coréen a aussi une immense affinité avec une langue entièrement différente de celle dont il a emprunté les formes grammaticales. Si, au contraire, nous admettons comme règle de parenté la ressemblance dans les mots, nous serons contraints d’avouer que la reconstruction des monosyllabes radicaux en mots polysyllabiques, le génie de la langue coréenne et la complication de sa grammaire sont des caractères importants qu’on ne saurait négliger et qui établissent des rapports intimes entre la langue coréenne et une autre langue totalement différente de celle dont elle a emprunté les éléments radicaux.

On doit conclure de tout ce qui précède, que la famille coréenne, quoique reléguée aux extrémités orientales de l’Asie, vient se placer, sous le rapport ethnographique, entre les deux plus anciennes races du monde, auxquelles elle semble donner la main, je veux dire entre la race indienne et la race chinoise.

Deux sortes d’écritures sont en usage en Corée : les caractères chinois et une espèce d’écriture particulière au pays, l’écriture coréenne proprement dite. En parlant des divers faits qui établissent une liaison complète entre la Corée, l’Inde et la Chine ; nous aurions pu citer aussi le système graphique usité de temps immémorial dans le pays qui nous occupe ; car il n’offre aucun rapport avec le système chinois, quoiqu’il soit destiné à représenter des mots d’origine évidemment chinoise. Dans l’esprit des Coréens, leur écriture est syllabique, c’est-à-dire que chaque signe exprime une syllabe entière : le nombre des signes graphiques, égal par conséquent à celui des syllabes qui peuvent se rencontrer dans le langage coréen, est d’environ deux cent cinquante. Ces éléments primitifs forment un syllabaire divisé en autant de classes qu’il y a d’initiales différentes, c’est-à-dire en quatorze