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ples, je veux dire la langue chinoise, considérée à juste titre comme la langue mère de l’Asie orientale. On a d’abord analysé les mots, puis la grammaire, puis les caractères, et comme il n’a pas été possible d’y découvrir des éléments puisés à l’étranger, on a conclu que la grande famille sino-mongole formait dans le genre humain une branche à part, qui, suivant l’expression d’un naturaliste plus spirituel que savant, devait avoir eu son Adam particulier distinct de celui des autres nations.

Or, les points de contact que l’on a raisonnablement, mais inutilement, cherchés dans la langue chinoise, se trouvent, à n’en pas douter, dans la langue coréenne. Je n’entreprendrai pas, dans cette courte notice, de développer les arguments inébranlables qui, pour moi, placent une aussi importante proposition au rang des théorèmes : ce sera le sujet d’un travail spécial que je publierai sous peu, avec une grammaire et un dictionnaire coréen. Je me bornerai, pour le moment, à quelques notions générales propres à donner une idée suffisante de ce curieux idiome, et à mettre les savants sur la voie des recherches.

1o La langue coréenne est polysyllabique, c’est-à-dire que les mots dont elle se compose sont souvent formés de plusieurs syllabes, et quelquefois d’un bon nombre.

2o Presque tous les mots de la langue coréenne ont une racine dérivée du chinois ; mais, comme les mots chinois sont toujours monosyllabiques, les syllabes additionnelles des mots coréens sont empruntées d’autres langues, offrant les mêmes caractères de polysyllabisme.

3o Les expressions coréennes contiennent donc deux éléments également importants, que nous pourrions, en quelque sorte, appeler la matière et la forme.

Le premier, l’élément radical, consistant en une syllabe d’origine chinoise, exempte d’inflexion, fournit l’idée première attachée au mot.

Le second, l’élément modifiant, consistant en une ou plusieurs syllabes, ajoutées à la syllabe radicale et sujettes à variation, est destiné à donner à l’idée générale les différentes modifications dont elle est susceptible.

Cet élément, analogue aux affixes de certaines langues orientales, ou, mieux encore, aux finales variables des mots latins, est indubitablement emprunté à une langue aussi différente du chinois par son génie que par sa richesse.

4o Au moyen des syllabes modifiantes, placées avant ou après la syllabe radicale, le Coréen possède des déclinaisons, des conjugaisons, et en général toutes les catégories grammaticales qui donnent de la perfection à une langue en multipliant les idées.

5o Le mot chinois qui forme la racine du mot coréen n’appartient souvent plus à l’époque actuelle, c’est-à-dire qu’il est passé du style vulgaire au style sublime des Chinois modernes, ou bien qu’il est tombé en désuétude, et ne figure plus que dans les livres anciens. Ce fait est, à mon avis, de la plus haute importance en ethnographie, d’abord parce qu’il vient à l’appui de ce que j’ai avancé dans mon Systema phoneticum, t. i, p. 75, relative-