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femmes qu’il en peut nourrir et aller chez elles à toutes heures sans qu’on puisse y trouver à redire. Mais sa femme en titre seule demeure chez lui ; les autres sont en ville ou dans d’autres maisons séparées de son ménage. Les nobles pourtant, outre leur femme, en ont encore deux ou trois autres dans le logis, mais il n’y en a toujours qu’une qui domine et qui a l’intendance du tout. Les autres ont chacune un appartement séparé où le maître du logis va quand il luy plaît. Dans la vérité, ils ne font pas grand cas des femmes et ne les traitent guère mieux que des esclaves, les chassant pour les moindres petites fautes et quelquefois sur de simples prétextes ; dans ce cas, ils les obligent à emmener leurs enfants dont ces malheureuses restent chargées. Cette liberté de chasser la mère et les enfants sert extrêmement à peupler le pays[1].

Les nobles et les personnes libres ont un assez grand soin de l’éducation de leurs enfants ; ils leur donnent de bonne heure des maîtres de lecture et d’écriture, à quoi cette nation prend très-grand plaisir. Les maîtres n’usent d’aucune contrainte dans leur manière d’enseigner, faisant tout faire par la douceur, représentant à leurs élèves la beauté de la science, le mérite de leurs ancêtres et la gloire de ceux qui, par de semblables moyens, ont fait de grandes fortunes[2]. Aussi est-ce une merveille de voir comment les élèves profitent et comment ils expliquent les écrits qu’on leur fait lire, car c’est en cela que consiste toute leur science. Outre ces études générales, il y a en chaque ville une maison où les nobles, suivant une ancienne coutume, dont ils sont grands observateurs, ont soin d’assembler la jeunesse pour lui faire connoître l’état des affaires du pays et les noms des grands qui ont été condamnés pour leurs crimes. Il se tient enfin tous les ans dans deux ou trois villes de chaque province des assemblées où se rendent les étu-

  1. Nos économistes ne se seraient certes pas doutés du procédé signalé si naïvement ici par le narrateur hollandais pour accroître la population d’un pays.
  2. Voilà des sauvages qui sont, quant à cela, bien plus avancés que beaucoup de peuples européens regardés comme très-civilisés. Pourquoi l’instruction n’est-elle pas partout assise sur de pareilles bases ?