Page:Revue de linguistique et de philologie comparée, tome 12.djvu/144

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 134 —

C’est en effet par le sceptre et par l’épée, non par la charrue et par l’aiguillon, qu’aux versets 17-19 Ormuzd établit Yima « dans la plénitude du pouvoir royal, » ou, littéralement, « au plus haut point, » comme de Harlez le dit en note, c’est-à-dire que Yima est établi, de droit divin, roi des Aryas et conquérant des terres des infidèles anûryens ; les versets 24-27 du yesht v et les versets 7-12 du yesht ix ne peuvent laisser aucune espèce de doute à cet égard. On y voit en effet Yima, « maître de la souveraine puissance sur les dêvas et les hommes, faisant perdre tout ensemble l’abondance et toutes choses utiles, la fertilité et le bétail, la jouissance des biens et la puissance aux Yâtus et aux Pairikas, aux Çathras, aux Kavis et aux Karapans, » c’est-à-dire aux faux dieux et à leurs adorateurs. Ce n’est pas avec une charrue ni un aiguillon à piquer les bœufs de labour qu’on exécute de tels actes.

Nous ne connaissons pas la traduction de l’Avesta de Spiegel, mais nous savons, par son Commentaire de cette traduction, qu’au lieu de traduire çufra et astra par charrue et aiguillon, il traduit ces mots par lance et poignard, ce qui justifie encore notre manière de voir. Car nous ne prétendons pas décider quelle était la forme réelle de ces deux instruments ; une connaissance exacte des insignes du roi et du chef militaire chez les Aryas avestiques pourrait seule trancher la question, et ces insignes ont naturellement varié suivant les temps, comme ils varient encore suivant les pays. Ainsi, pour en citer un seul exemple, l’insigne de la royauté serait le sabre en Turquie, si nous nous en rapportons à cette phrase de Michelet : « Bajazet ceignit le sabre à Stamboul, » qui est prise dans le sens de : « Bajazet monta sur le trône de