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Ainsi que nous le disions plus haut, ce procédé d’individualisation progressive (j’allais dire resserrement gradué d’une idée première) fut également appliqué aux racines pronominales, aux monosyllabes-pronoms. Les pronoms personnels ma, moi, tu, toi, etc., eurent leurs formes dérivées ; mais les dérivations pronominales les plus importantes ont pour sources les pronoms indicatifs ta ou sa, i ou a, ya (relatif) et ka (tantôt interrogatif, tantôt indéfini).

En déclinant ta, dont sa n’est que le substitut, l’aryaque et le sanskrit prononcent à l’accusatif tam pour le masculin, tâm pour le féminin et tat ou tad pour le neutre, trois formes représentées en grec par τον, την, το(τ), et en latin par —tum, -tam, -tud. Le nominatif, en sanskrit est sas (ṣah) ou sa, fém. , neut. tad ou tat ; gr. ὁ (ho) pour σο (avec h pour s comme souvent), fem. ἡ ou ἁ ( ou ), neut. το pour τοτ . Le zend a pour avec h pour s comme le grec. Le gothique dit sa, le lithuanien tas, et l’ancien slavon . Le dérivé Sya, celle-ci, elle, est reproduit par le sanskrit syâ, par l’allemand sie, par l’anglais she, etc.

Ce pronom, comme plusieurs autres, perdit çà et là devant les noms une de ses deux significations natives, — qui sont la démonstration de la substance et de la position d’icelle, — pour ne plus signifier que cette dernière, c’est-à-dire la place occupée par l’objet dont il s’agit. Ce dérivé par soustraction reçoit le nom d’article. L’article n’est donc qu’un demi-pronom, un pronom dépossédé de la moitié de sa valeur logique, une individualisation de son idée première, enfin. Le latin, le vrai latin, le latin des beaux siècles ne vit pas s’opérer en son organisme cet étrange dédoublement du pronom : il n’eut pas ce monstrueux parasite si familier aux Grecs. Mais