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qui, propter notitiam locorum, statim in diversa dilapsus est.

Au surplus, ce sentiment de mépris pour les « barbares » était si fort dans la société lettrée du temps, qu’on en retrouve l’expression pendant de longs siècles. Le conseiller de Lancre, qui fit brûler en 1609, comme sorcier, une soixantaine de Basques, a contre ces populations peu civilisées des préventions qu’il justifie de la manière la plus étrange. Il leur impute à crime les choses les plus naturelles du monde : il leur reproche de se nourrir de pommes et de boire du cidre extrait de la pomme, « fruit de perdition » ; de vivre le plus souvent en plein air, ce qui les rend « rustres et mal policez » et leur fait « l’esprit volage » ; de s’habiller d’une manière toute particulière ; de laisser les jeunes filles porter les cheveux épars ; d’avoir un extrême orgueil et de s’intituler sieurs et dames de leurs parcs à pourceaux ; de négliger l’agriculture pour la pêche et la navigation ; enfin de n’avoir aucune peur de la mer et de se précipiter avec joie dans cette écume qui jadis engendra Vénus : « Vénus qui renaist si souuent parmy ces gens maritimes par la seule veüe du sperme de la baleine qu’ils prennent chaque année ». Ces étranges appréciations sont longuement développées dans l’un des ouvrages de de Lancre (De l’inconstance des mauvais anges et des démons, Paris, 1610 et 1613, in-4o). Je demande la permission de citer intégralement quelques-uns des passages les plus bizarres :

« Ils n’ayment aussi guieres leurs femmes, & ne les cognoissent pas bonnement, parce qu’ils ne les pratiquēt que la moytié de l’année : & pour leurs enfans, la liberté qu’ils prennent d’essayer leurs femmes quelques années