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Page:Revue de métaphysique et de morale, 1896.djvu/284

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REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

rence le phosphore ordinaire. — Dira-t-on que, pour caractériser les corps étudiés en chimie, c’est du côté des propriétés chimiques qu’on doit nécessairement se tourner ? — Mais les propriétés chimiques les plus courantes, action sur l’oxygène, action sur l’organisme d’un être vivant, ne sont pas les mêmes pour le phosphore rouge et pour le phosphore ordinaire. Il faut donc renoncer à parler de règle impérative. La définition du chimiste se justifiera, n’en doutons pas, par d’excellentes raisons, qui la feront dire naturelle jusqu’à un certain point, qui l’expliqueront, qui l’excuseront ; — mais, en tout cas, il restera évidemment une part déjà appréciable d’activité libre dans cette décision de l’esprit qui, choisissant quelques propriétés parmi une infinité de propriétés observables, forme ainsi la notion théorique du phosphore.

Le « construit » est encore cependant bien proche du « donné ». Mais passons au deuxième élément qui figure dans la loi énoncée. Que signifient ces mots : température de 44 degrés ? Qu’est-ce qu’un degré ? — Nous avons l’idée de température ; nous nous comprenons, sans qu’aucun commentaire soit utile, si nous disons cet objet est chaud, celui-ci est froid. Nous nous comprenons même encore si, comparant plusieurs impressions produites sur nos sens, nous déclarons, par exemple, qu’il fait plus chaud ici que là, aujourd’hui qu’hier. Mais tout cela est distinct de là notion, utilisée par le physicien, de la mesure précise de la température. En etfet, à nous fier à nos impressions naturelles, qu’est-ce que nous pourrions bien saisir sous ces mots température double ou triple d’une autre ? Le physicien nous dira que, pour donner un sens à ce langage, il substitue à nos sensations vagues et obscures un phénomène observable et mesurable avec précision, la dilatation d’une certaine masse de mercure enfermée dans un tube de verre portant son appareil dans la glace fondante, puis dans la vapeur d’eau bouillante, il marque sur le tube successivement 0 et 100 aux points où, dans ces circonstances, vient affleurer le mercure ; enfin il partage en cent parties égales l’intervalle qui sépare ces deux points, numérotant d’ailleurs les divisions 1, 2, 3… jusqu’à 99 et 100. Si le mercure affleure à la division 44, on dit que la température est de 44 degrés.

Cette fois, il est difficile de méconnaître tout ce qu’il y a d’arbitraire dans la construction du physicien la notion du degré, telle qu’elle en résulte, est une véritable création. Nous voyons en effet