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Page:Revue de métaphysique et de morale, 1896.djvu/287

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G. MILHAUD.la science rationnelle.

naturel pour qu’il soit permis de dire qu’ils se séparaient complètement de toute donnée concrète et sensible, quand ils parlaient de leurs lignes géométriques. Cependant, à la lecture d’Euclide ou d’Apollonius, on a le sentiment que si l’intuition ne perd pas complètement ses droits, et si sa lumière ne cesse d’éclairer la pensée du géomètre, celle-ci du moins porte essentiellement sur des notions quantitatives reliant quelques éléments irréductibles distances et angles. L’ellipse n’intervient pas dans les raisonnements du géomètre, pas plus qu’elle n’interviendra dans les calculs de Képler, par sa forme de ligne continue, ronde, plus ou moins aplatie, ayant un dedans et un dehors ;, elle intervient seulement par la propriété d’un quelconque de ses points, de former avec certains autres points une figure dont les éléments soient liés par une relation quantitative déterminée. La signification de la trajectoire elliptique dont il est question dans la loi de Képler est donc celle-ci : Pour toute position de la planète, si on envisage en même temps quelques autres points, parmi lesquels le soleil, de façon à obtenir une figure géométrique, on peut énoncer entre ses éléments la relation quantitative spéciale qui sert de définition aux points d’une ellipse et au foyer. — Faut-il voir dans cette formule qui sert de lieu à toutes les positions de la planète renonciation d’une chose naturellement donnée ? Il ressort d’abord de ces quelques indications que cette formule n’a de sens que par l’intermédiaire d’un certain langage, celui que constituent tous les postulats, définitions, concepts, qui sont à la base même de la géométrie, et sur lequel ce n’est pas ici le lieu d’insister. En second lieu, même si ce langage est accepté sans réserve, il est bien évident que la forme de la relation qui devra correspondre à une trajectoire dépendra essentiellement du choix des points auxquels on rapporte les positions de la planète. En parlant le même langage géométrique, et en essayant de rapporter les positions de la planète à la terre, prise comme premier point de repère, les anciens parvenaient aussi à rendre compte de toutes ces positions. Dira-t-on qu’il y avait quelque chose d’artificiel prendre pour point de repère un point variable tandis que du moins le soleil est fixe ? — Sans contester le progrès immense qui s’est trouvé effectué du jour où le système de Copernic a été substitué à celui de Ptolémée, il faut bien reconnaître pourtant avec les astronomes que l’immobilité du soleil n’est encore qu’une fiction, et qu’en somme le mouvement des planètes tel que nous le représentons aujourd’hui est toujours un mou-