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104 REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

le nombre irrationnel n’est qu’un symbole- d’impossibilité numérique, et alors il ne faut pas dire qu’un tel nombre permet seul de « connaître rigoureusement, dans un carré, le rapport de la diagonale au côté » (p. 3.4), et lui communique une intelligibilité dont il est lui-même dépourvu.

Dans tous les cas, il est dangereux d’invoquer le nombre irrationnel en faveur de l’atomisme. En effet, quelle qu’en soit l’origine, on ne peut pas admettre ce nombre comme symbole d’une grandeur incommensurable, et soutenir en même temps que les figures géométriques se résolvent en « quantités complexes, qui toujours, quoi qu’on fasse, enveloppent l’unité (p. 26) » ; car un nombre irrationnel ne se compose pas d’unités. Dès lors tombe cet argument destiné à introduire dans la Géométrie un germe de discontinuité « tout ce que nous connaîtrons dans l’étendue. nous paraît envelopper le nombre, et ce sans quoi il n’y aurait point de nombre, ou l’unité (p. 34) ». C’est donc en vain qu’on cherche dans la Géométrie le fondement mathématique de l’atomisme, car le nombre ne peut s’appliquer à la grandeur qu’en renonçant à sa discontinuité primitive, et en sacrifiant son principe, l’unité, qui seul permettrait de trouver dans le continu un rudiment d’atome.

Nous ne pouvons donc souscrire à la conclusion où M. Hannequin a condensé toute sa théorie de la connaissance « C’est en vertu de sa constitution même. que la science trouve dans l’atomisme l’expression la plus haute à la fois et la plus complète de ses explications œuvre de l’entendement, qui ne conçoit clairement et distincts tement, selon la pensée de Descartes, que le nombre 1, elle ne parvient que par le nombre à se rendre maîtresse de l’obscure et confuse variété du réel, qui ne nous est livré qu’en la double intuition de l’étendue et du mouvement. La science n’atteint son but qu’en projetant et multipliant dans la matière étendue et mobile les limites s . Nous croyons devoir faire d’expresses réserves sur cette assertion historique. L’idée claire et distincte par excellence, pour Descartes, n’est pas celle de nombre, mais bien celte de grandeur continue ; et son invention de génie a consisté justement à faire rentrer le nombre, d’une part, et l’étendue, d’autre part, sous cette idée de grandeur qui est l’objet de sa Mathématique universelle, de sorte que les nombres et les figures ne sont que des symboles de grandeurs abstraites, et peuvent par là devenir symboles les uns des autres. Voir Discours de la Méthode, 2’ partie ; Régula ?, Règles IV, XIV, XV, XVI (« Nous ~L ; ne faisons ici pas moins abstraction des nombres, que tout à l’heure des figures de géométrie. »} et début de la Géométrie. Cf. Liard, Descartes, livre II, chap. i ; et les articles de MM. Gibson et Berthet sur la méthode de Descartes,

!!] ap. Revue de Métaphysique et de Morale, t. IV (notamment p. 391-393= et 406407.)