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122 REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

sociaux positifs. Ainsi science et conscience, méthode positive, idéal r ; démocratique, telles sont les idées dont M. Bourgeois a cherché l’unité. Et elles comptent, bien en effet, parmi celles qui nous sollicitent en des sens différents, et qui divisent nos esprits. Celui qui les réconcilierait mériterait bien notre reconnaissance ; car il nous rendrait la paix intellectuelle, comme le souhaite M. Bourgeois S cette paix dont nos amis se plaisent à débattre ici les conditions. Sans décider tout à fait si cet accord est impossible, je voudrais reprendre les idées principales de ce livre, pour en marquer avec plus de précision la tendance.

Remarquons d’abord que la distance des principes aux faits est presque infinie dans l’ordre des questions politiques et sociales. Il me semble que M. Bourgeois a simplifié ces questions à l’excès, en s’élevant tout d’un coup aux plus hautes abstractions. Dernièrement, en lisant le livre de M. H. Michel sur Y État, je croyais voir pareillement que l’auteur nous abandonnait après nous avoir conduits à une formule de l’État idéal, dans laquelle pouvaient tenir à l’aise le socialisme intégral, aussi bien que l’individualisme le plus libéral. Ici peut-ètre, le problème est-il serré d’un peu plus près. La loi civile et’ ses sanctions sont rattachées à la loi présentée à la fois comme morale et naturelle, et des jalons sont posés pour marquer la voie au bout de laquelle on trouverait la solution des questions économiques, impôt, héritage, etc. Mais, malgré cet effort et ces promesses, que les principes restent généraux, j’allais dire stériles ! Par exemple, M. Bourgeois fonde tout son système sur la dette de l’homme envers tous les hommes ». C’est du fait de cette dette qu’il déduit le “ système des droits et des devoirs, des droits civils et des droits politiques. « L’homme », ici, veut dire sans doute l’être humain en général, sans acception de personne. Et M. Bourgeois parait oublier qu’une moitié de l’espèce humaine, les femmes, restent en dehors du droit politique et sont ordinairement considérées comme des mineures dans notre droit civil. Quelle est donc la raison d’une si vaste exception à un principe proposé comme universel ? Et, de même, le passage de la loi morale à la loi civile est bien obscur, M. Bourgeois ne nous a parlé que de la solidarité qui unit tous les hommes. Or il fait appel pour sanctionner cette solidarité universelle à une loi civile et politique, c’est-à-dire une loi écrite qui est particulière, en partie i.Voy. p. 12.