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174 ~i REVUE’ DE MÉTAPHYSIQUE Ëf BE MORALE.

étant la perfection de l’hommei l’achèvement de sa nature, sa plus pleine, sa plus harmonieuse activité, exerce une irrésistible séduction sur l’intelligence et la sensibilité. Mais dégagée par liant, opposée au plaisir, à l’intérêt, à la perfection même, à tout ce qui peut convaincre ou persuader, l’idée du devoir formel devient, pour certains penseurs, le fondement de l’éthique. Du même coup la vie morale est rendue solidaire de la liberté, car il y a quelque chose d’absurde à imposer à un être une obligation à laquelle il ne dépend pas de lui de se soumettre. Ainsi au moment où l’on identifie le /mécanisme et la science, la nécessité et la vérité, on identifie la morale et la liberté une sorte d’antinomie oppose la raison spéculative et la raison pratique.

L’antinomie est-elle insoluble ? Il est impossible de s’eit tenir désormais au témoignage de la conscience ; le déterminisme psychologique est devenu le corollaire d’une théorie générale de la nature ; pour répondre aux savants, il faut que le philosophe se place sur leur terrain. Est-il vrai que la liberté soit impossible logiquement et physiquement, qu’elle s’oppose aux lois de la pensée .qui ne comprend que ce qu’elle conditionne et détermine ; aux lois de la nature qui expriment par l’enchaînement nécessaire des effets et des causes la continuité d’un même mouvemen t ? Pour rendre «ne valeur au sentiment de la liberté, qui survit à toutes les négations pour établir que loin d’être une pure illusion, il répond à l’essence même de la vie spirituelle pour justifier par suite l’obligation, le devoir forme], il faut conférer la liberté avec les lois de la raison et avec les lois des choses ; il faut à la philosophie du mécanisme opposer une philosophie qui, prenant pour idée maîtresse l’idée de la liberté, établisse que la science et la nature n’en sont la négation que quand on dépasse et fausse leurs données. Par cela même.que les déterministes universalisent le problème, montrant en tout la nécessité, la faisant pénétrer du dehors au dedans, les partisans de la liberté doivent chercher dans la contingence un principe qui n’apparaît pas miraculeusement avec l’homme, mais qui, présent à tous les degrés de l’être, conciliable avec les exigences de la pensée, autorise les légitimes efforts de l’intelligence pour comprendre la réalité, sans imposer le sacrifice de la vie morale dont l’homme ne saurait se désintéresser.