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16 REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

cularités, qui d’ailleurs échappent au lien causal, et s’y attarde. Dès lors, comment concentrer dans un acte intellectuel un nombre considérable de faits ? Les coordinations esthétiques, il est vrai, s’étendent parfois très loin, mais grâce à des libertés qui leur sont propres et dont le caractère de la science ne saurait s’accommoder. Signalons une autre restriction non moins regrettable. La coordination concrète laisse toujours partiellement hors de ses cadres le terme dont dépendent tous les autres. Lorsque vous soumettez les existences à la loi de causalité, vous rattachez chacune d’elles à un antécédent et à un coexistant nécessaires ; mais, à leur tour ce coexistant et cet antécédent doivent être rattachés à un autre coexistant et à un autre antécédent ; et ainsi de suite. Vous êtes donc appelé à remonter, dans le temps et dans l’espace, le long de séries infinies de termes réels et de termes possibles. Impossible de-suivre ici le conseil’ d’Aristote ; à moins de changer brusquement de voie et de renoncer à l’explication causale, impossible de vous arrêter. Or, n’est-ce pas dire aussi qu’il vous est impossible d’aboutir ? que le premier terme recule toujours ? que la coordination n’est jamais achevée ? – N’exagérons rien, la coordination reste inachevée, mais non suspendue dans le vide. Précisément parce qu’elle ne peut aboutir, elle ne trouve jamais le néant devant elle ; elle pose toujours un objet nouveau. Si son premier terme ne rentre pas dans ses cadres à titre d’effet, il y rentre du moins à titre de cause. Cela suffit pour qu’on ne perde pas pied. La coordination demeure ainsi appuyée à son extrémité. Par conséquent il n’y a pas lieu pour le dire en passant de poser le problème traditionnel de l’origine du monde. Ce problème n’aurait de raison d’être que si l’on devait se placer tout d’abord en plein néant ; que s’il y avait possibilité ou nécessité de ne rien concevoir à l’origine des choses.. Comment le monde, devrait-on alors se demander, a-t-il pu passer de rien à quelque chose, du néant à l’être ? Et certes, au point de vue causal, la réponse serait difficile. Mais, de fait, cette difficulté est toute gratuite. Rien ne nous force, ni même ne nous autorise, à prendre notre point de départ dans le néant. Le mouvement de régression causale n’y aboutît pas. On vient de le voir, il est impossible d’échapper à l’être ; toujours après un terme, un autre terme ; s’il n’y a plus de réel, de donné, il y a du possible, de l’imaginé, mais c’est toujours de l’être. Dégageons-nous de fausses analogies, et nous reconnaitrons bien vite que le problème qui a si longtemps