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L. couturat. – Sur l’hypothèse des atomes. • 233

Ainsi M. Hannequin abandonne la position si forte prise par Kant entre le rationalisme et l’empirisme ; il renonce à fonder les jugements synthétiques a priori sur la constitution du sujet, et leur cherche un fondement réel dans l’objet. Par là il retire à l’entendement toute spontanéité, et recommence à le « faire tourner autour des choses ». On retombe donc, qu’on le veuille ou non, dans l’empirisme, et l’on revient de Kànt à Hume. Mais alors on supprime la certitude et l’objectivité de la connaissance, au moment même où l’on croit les fonder car, en faisant dépendre la valeur des formes et des principes a priori de leur conformité avec les choses, on ruine leur universalité et leur nécessité. En effet, s’il est vrai que l’existence de la science postule « un accord, quel qu’il soit, de l’intuition sensible et des synthèses dues à l’acte de penser (p. 262) », qui nous dit que les choses voudront bien « se prêter » partout et toujours aux formes subjectives de notre sensibilité et de notre entendement ? Autrement dit, qui nous permet d’imposer aux choses ~Ë une nécessité toute relative à la constitution de notre esprit ? Si peu 3 qu’on’ exige’des données sensibles pour que leurs déterminations S ! propres cadrent avec nos catégories, on leur reconnaît par là même le droit de résister à leur application ; et si le concours des choses J en soi est indispensable à la connaissance, il peut aussi faire défaut. Nos jugements synthétiques a priori, seront donc toujours contingents. L’auteur répondra peut-être que ce ne sont pas les choses qui ~j ! « se prêtent » nos catégories, mais bien nos catégories qui sont .S ! appropriées à la nature des choses. Mais cette réplique ne ferait que l’éloigner encore plus du criticisme. En effet, puisqu’il rejette comme S ! absurde l’hypothèse d’une harmonie préétablie entre l’esprit et les .choses, il ne peut expliquer l’accord entre les données empiriques et les formes a priori qu’en admettant, ou bien que toutes les déter- ? ! minations du phénomène sont a priori et viennent du sujet, ou bien que toutes ces déterminations sont empiriques et viennent de l’objet. La première alternative nous paraît conforme à l’esprit du criticisme, de l’aveu même de notre auteur « Il semble bien que Kant ait été tenté de confier à l’esprit le pouvoir exclusif d’imposer au sensible. la somme tout entière des déterminations qu’y retrouve la science ; mais dire cela, n’était-ce point supprimer du même coup jusqu’à l’apparence d’une raison de reconnaître l’action, si mystérieuse et j si obscure qu’on voudra, mais cependant réelle, de la chose en soi i ! sur notre connaissance ? (p. 375). » Mais, puisque M. Hannequin n !!