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244 REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

’Y 1 Il. T

Ici, nous semble-t-il, M. Hannequin renonce à concilier Leibnitz avec Kant, et sacrifie décidément Kant à Leibnitz ce qui ne saurait) nous étonner, attendu qu’il a profondément étudié la monadologie, et qu’il s’en est nourri et imprégné, comme le prouvent et sa propre métaphysique et sa critique pénétrante de l’harmonie préétablie ’.Mais peut-être n’a-t-il pas suffisamment tenu compte des conclusions si fortes de la Psychologie transeendentale. Ce n’est pas à nous de lui rappeler que, selon Kant, la conscience n’est pas notre être, mais notre phénomène qu’elle est même le phénomène par excellence, l’ensemble et le théâtre de tous les phénomènes ; qu’elle est, en un mot, l’universelle apparence et la suprême illusion. C’est sans doute pour cela que chacun peut y trouver tout ce qu’il veut et lui faire dire tout ce qui lui plait, de même que dans les contours mobiles des nuages on peut voir toutes les figures imaginables. De ce que nous nous apparaissons à nous-mêmes sous la fonrii delà durée et. du changement, il ne s’ensuit pas que notre être soit durable et changeant de même, de ce que les choses nous apparaissentdans la durée, il ne s’ensuit pas qu’elles y soient. Si le monde phénoménal et sensible est sujet au changement, on ne peut en conclure que le monde réel le soit également, s’il est vrai que le temps n’est que la forme a priori du sens interne. En un mot. on n’a pas le droit, au point de vue de la Critique, de réaliser le temps et d’ériger cette forme subjective de la sensibilité en une Durée réelle qui s’impose aux choses en soi. t !

La conscience est si peu la réalité que, dans le sens et dans la mesure où elle s’oppose au monde extérieur qu’étudie la science, elle est proprement le domaine de l’irréel. En effet, dans ce chaos désordonné d’images fugitives, la. raison en choisit quelques-unes qu’elle organise en un système cohérent et stable ce système, auquel elle confère la réalité, constitue le monde extérieur, et, en vertu de sa construction même, il est soumis à des lois. Ce qui reste dans la conscience subjective, une fois que les perceptions et images dites objectives ont été projetées et localisées dans l’espace et le temps, c’est le déchet et le résidu de la construction de l’univers, c’est la masse informe des images qui n’ont pu entrer dans le système de la. nature et être dotées de la réalité. Cet ensemble ne peut être soumis à des lois, car il cesserait dès lors d’être subjectif ; voilà pourquoi la ̃i. Livre II, ch. n, § V (p. 336 sqq., 3S3 sqq.).