J.-J. GOURD. LES TROIS DIALECTIQUES. 301
cable en son origine peut échapper tout d’un coup à la coordination. Et même lorsque l’absolu inaugure une série, il ne s’y transmet pas entièrement. Il y a donc des disparitions, des pertes, de véritables morts. La science essaye de les voiler, de les atténuer, et elle fait bien, c’est dans son rôle. Mais la dialectique religieuse fera également bien de les mettre en relief. Il peut y avoir du sublime dans le spectacle de la mort. C’est le hors la loi de la destinée, le sacrifice de l’univers, auquel doit consentir l’âmé religieuse. La tradition ne parle-t-elle pas d’un dépouillement de Dieu, d’un abaissement de Dieu, qui ferait encore éclater sa gloire ?
Quelques-uns de ces hors la loi ne méritent peut-être pas d’être actuellement justifiés. La dialectique essayera de les recueillir au moins sous bénéfice d’espérance. Ainsi fera-t-elle également de ceux qui sont non seulement hors la loi, mais contre la loi.’ Je veux parler de ceux de l’erreur et du mal. N’avons-nous pas dit que sur leur faiblesse vient quelquefois se greffer une force, dont il est permis de regretter la perte ? Pourquoi donc la dialectique ne tenterait-elle pas de la sauver ? Ces incoordonnés ne sauraient rentrer que virtuellement dans sa sphère, ils ne sauraient être que des objets religieux en devenir ; pourquoi cependant désespérer d’en i tirer parti un jour ? Pourquoi, dans les volontés insoumises, révoltées, ] mais ardentes et peut-être généreuses, n’y aurait-il pas en germe le hors la loi du sacrifice ? Pourquoi ; dans les connaissances confuses, erronées, mais profondes, n’y aurait-il pas en germe le hors la loi du sublime et de l’optimisme religieux ? Ne nous hâtons pas de briser et de détruire.. attachons-nous plutôt à fortifier ce qui nous est donné. Et voici, ne serait-ce pas l’occasion par excellence de procéder à la coordination propre à la dialectique religieuse, à cette coordination intensive qui grandit les incoordonnés faibles par l’attirance des forts ? Qu’on ne demande pas le secret de sa réussite. L’influence bienfaisante du fort sur le-faible est un mystère comme l’absolu lui-même. Ce n’est pas une impulsion qui entraîne, ce n’est pas une suggestion qui annihile, c’est une finalité qui laisse libre. Comment don’c l’expliquer ? Cependant Aristote, en y suspendant l’univers, n’a eu tort que par l’exclusivisme et les confusions de sa doctrine. Enfin, la dialectique religieuse ne laissera pas respectivement isolés les hors la loi pratiques et les [hors la loi théoriques. Ils exercent, en effet, les uns sur les autres une influence analogue à celle du fort sur le faible. – L’absolu éclate dans le monde à la faveur de