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350 RËVÙE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

plit ce monde lés vices et les souffrances, les illusions et les erreurs, l’égoïsme féroce et la guerre incessante de tous les êtres vivants et la fragilité de leur existence, on pourrait en perdre la raison et désirer l’anéantissement de toutes choses. Car l’existence de l’anomalie est pour la raison un -gouffre insondable, un abime d’incompréhensibilité. Qu’il y ait des choses qui ne devraient pas être, qui n’ont pas le droit d’exister, c’est là une énigme terrible et qui n’admet point de solution. Mais en constatant la présence de l’élément divin dans notre pensée et dans notre conscience morale, nous nous voyons élevés dans la région pure, sereine et immuable de l’absolu. L’énigme douloureuse que présente l’existence de l’anomalie n’en est pas résolue, mais nous trouvons qu’un côté de notre être – et c’est le seul qui doit compter, – lui échappe. Par ce côté, s’ouvre pour nous la voie du salut. Qu’on en constate donc bien la preuve en soi et en dehors de soi.

Il n’ya pas longtemps que l’humanité est sortie de la barbarie, et cependant quels individus vraiment divins n’a-t-elle pas déjà produits Des héros, au sens moral, qui ne se lassèrent, de toute leur vie, de pratiquer le renoncement et la charité ; des intelligences lumineuses qui ouvrirent à l’esprit humain des voies et des horizons nouveaux des poètes et des artistes merveilleux, qui lui créèrent l’image d’un monde idéal, reflet de la perfection qui est la nature m normale ou divine des chtoses. Ce sont’ là autant de preuves de la présence de l’absolu ou du divin dans le sein de l’humanité, pour quiconque n’en trouve pas la preuve immédiate en lui-même. Mais l’humanité n’est que la plus haute expression de la nature physique, et les buts supérieurs qu’elle poursuit avec conscience, ont été poursuivis avant elle par la -nature inconsciente. L’existence de l’homme en est elle-même une preuve. Ceux-là seuls qui ne se sont pas encore eux-mêmes beaucoup élevés au-dessus de l’animalité ou qui tendent à y revenir, au moins en théorie, peuvent croire que’ l’apparition de l’homme sur la terre est due à des causes extérieures ’et fortuites, à quelque « sélection naturelle ». Au contraire, celui qui possède la notion claire de l’absolu et la conscience de l’anomalie des choses de pe monde, a par cela même la certitude que la nature ; en créant ou en engendrant l’homme, poursuivait un but supérieur, le but même que l’homme se pose avec conscience la réalisation du bien et du vrai, l’ascension vers le divin ou la norme des choses. Et pourtant, qui pourrait s’en douter, en voyant l’action aveugle de la