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liés faits, selon laquelle nôtre représentation des choses commence par être impersonnelle et n’aboutit qu’à la longue à’ adopter notre corps pour centre. Nous nous posons d’emblée dans la réalité matéo rielle ; seulement, tandis que lès images qui la constituent varient et se renouvellent :& mesure que nous nous déplaçons, l’image de notre corps reste au milieu d’elles constante et invariable ; si bien qu’elle finit par nous apparaître comme la base solide de tout le travail-de la perception. C’est cette conviction dérivée que les philosophes transforment en fait primitif ; ils raisonnent à partir de là comme si rien d’antérieur n’avait été donné, et ils s’imposent pour tâche, en admettant que notre individualité est la "condition initiale de la perception, de montrer par quel mécanisme elle s’efface devant ce qu’elle a produit, au point de supprimer dans l’objet toute trace de ses origines.

La tentative paraîtrait plus vite chimérique si elle ne rencontrait un encouragement dans certaines théories courantes qui ont pour caractère de soutenir, soit que certaines propriétés authentiques des choses sont connues par induction, par combinaison mentale, non par intuition, soit que la nature de la sensation peut être indépendante de la nature des objets, soii enfin que la perception se produit et se modifie en fonctions d’états psychologiques qui ne peuvent avoir d’existence que dans un sujet. A. quoi sert, en premier lieu, l’éducation des sens, sinon à nous informer de ce que nous sommes incapables de saisir immédiatement, à dégager ainsi de nos sensations, comparées entre elles, éprouvées les unes par les autres, la notion exacte de ce que nous devons tenir pour réel ? Mais l’éducation des sens reste aussi nécessaire quand on admet que la perception implique un choix,’et que lès’ représentations diverses d’un même objet, sollicitées par’ la diversité de nos besoins, ne nous le font connaître que par fragments et par intervalles il devient alors indispensable de rétablir la continuité rompue en vue de Faction. Les perceptions dites acquises ne sont au fond que les perceptions perdues, plus ou moins laborieusement retrouvées et remises à leur place dans l’ensemble. Elles n’ont’ donc rien de factice, puisqu’au lieu d’ajouter à nos sensations une interprétation plus ou moins subjective, ellesse bornent à les accorder, c’est-à-dire à représenter unies les qualités qui le sont naturellement et que l’abstraction seule a séparées. On allègue, en second lieu, l’énergie spécifique des nerfs et l’on prétend que des causes différentes, agissant sur le même nerf, excitent la