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378 REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

sont comme des répétitions d’un acte relativement le même, susceptibles à la limite d’être déduites les unes des autres comme des quantités homogènes ; et ce qui distingue l’esprit de la matière, c’est qu’il contracte en un moment unique de sa. durée ce qui en soi se répartit sur un nombre extrêmement considérable de moments, c’est-qu’il saisit les effets, condensés par sa propre tension, d’une multitude de répétitions et d’évolutions intérieures, qu’il concentre ainsi des périodes énormes d’une existence infiniment diluée en quelques moments différenciés d’une vie plus intense. Par là on échappe aux antinomies qui naissent de la représentation d’un temps et d’un espace homogènes, conçus comme les propriétés nécessaires des objets ; par là on échappe également à la conséquence que le kantisme tirait de ces antinomies, et d’après laquelle matière et esprit sont également inconnaissables. Mais par là surtout on peut surmonter le dualisme, auquel s’en tenait VBssai sur les données immédiates, et qui n’est plus conçu ici que comme un procédé critique aboutissant à une conclusion provisoire. C’est précisément parce que l’analyse a poussé le dualisme à l’extrême qu’elle en a dissocié les éléments contradictoires, et qu’elle permet de le surmonter. En effet, l’esprit parait s’opposer à la matière comme l’inétendu à l’étendu, la qualité à la quantité, la liberté à la nécessité. Or nous avons vu en premier lieu que l’étendue matérielle n’est pas l’étendue divisible dont parle le géomètre, qu’elle est plutôt analogue à l’extension indivisée de notre représentation. C’est en la subdivisant au moyen d’un espace abstrait, déployé au-dessous d’elle pour les besoins de l’action, vidé de tout contenu concret par l’entendement logique, qu’on la transforme en une étendue multiple et infiniment divisible. C’est par un travail inverse, en la subtilisant, qu’on la résout en ces sensations inextensives, incapables de constituer par leur rapprochement des objets réels, très différentes des sensations véritables qu’une psychologie plus pénétrante déclare toutes extensives à quelque degré que ce soit. Entre l’inétendu et l’étendu il y a donc l’extension, dont ces deux termes ne sont que les limites abstraites et fictives. Il résulte de là que l’opposition de la quantité et de la qualité n’est pas irréductible car le mouvement ne serait quantité pure que s’il y avait un espace abstrait ; or le mouvement concret, capable d’engendrer les qualités sensibles, doit avoir quelque chose de la sensation ; il est cette sensation répartie sur un nombre infiniment plus grand de moments,