Page:Revue de métaphysique et de morale, 1897.djvu/385

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"V, delbos. – Matière et mémoire- 38i

tale nous permet de saisir derrière sa discontinuité superficielle, due aux exigences de l’action, sa continuité réelle et indivisée si bien que la représentation des choses qui est en nous nous donne, abstraction faite des limites qu’elle reçoit, le sentiment de l’unité du réel. Ce sentiment est vrai parce qu’il est naturel et immédiat tandis que les constructions par concept qui le méconnaissent et parfois cependant aspirent à l’imiter sont factices et arbitraires. M. Bergson oppose très catégoriquement sa méthode et sa doctrine à la méthode et à la doctrine intellectualistes.

Est-ce cependant l’essence de l’intellectualisme que de décomposer le réel par des procédés qui empêcheront invinciblement de le ,recomposer, que d’être fatalement condamné à morceler en choses distinctes et juxtaposées ce qui est évolution dynamique, progrès continu ? 11 semble que la critique de M. Bergson ne porte que contre des expressions superficielles de l’intellectualisme. Lui, qui reproche à l’empirisme d’avoir affecté une forme intellectualiste, n’aurait-il pas revêtu l’intellectualisme d’une forme empirique ? N’est-il pas vrai que l’intellectualisme moderne s’est de plus en plus dégagé du mécanisme logique de l’entendement abstrait, qu’il s’est appliqué à substantialiser le moins possible la nature et les opérations de la pensée, qu’il a rappelé à la raison sa puissance de synthèse autant que sa puissance d’analyse, et qu’il l’a invitée à chercher non dans ses créations spontanées, mais dans les intuitions de l’expérience la matière de son activité synthétique ? Autant et plus que toute autre doctrine l’intellectualisme a présupposé l’un, le continu, le tout ;, il s’est défendu de considérer comme une progression réelle le procédé purement régressif par lequel il représentait l’un comme composé par la pluralité, le continu comme composé par le discontinu, le tout comme composé par les parties. 11 a été trop pénétré de l’esprit de système pour.ne pas affirmer que la forme systématique est en soi antérieure aux éléments qui la constituent, qu’elle en crée la réalité, tout au moins l’intelligibilité. S’il semble considérer ces éléments comme existant en soi, ce n’est là qu’une considération momentanée, résultat d’une abstraction dont il a parfaitement conscience, et qui lui permet de mesurer le degré de cohésion exigé de la pensée pour les unir.

Assurément, selon l’intellectualisme, la raison comprend comme -une de ses fonctions subordonnées la faculté de résoudre le réel, et’il semble que l’exercice de cette faculté ait pour -effet de distinguer et