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procéderions, mais par une vision conforme à l’exigence la plus profonde de la pensée. On pourrait peut-être invoquer une sorte de pressentiment du tout qui solliciterait dans notre conscience le retour à la réalité totale et indivisée, ou encore une espèce d’attraction sympathique exercée sur nos facultés par la vivante continuité de l’univers ? Mais lorsqu’on estime insuffisante l’objectivité’ de la perception définie uniquement en fonction de tendances mentales, de quel droit expliquer, en fonction de tendances analogues, ce qui est plus que l’objectivité des perceptions particulières, ce qui est l’objectivité intégrale et absolue ? Et d’un autre côté peut-on juger de ce que sont les choses par l’harmonie dont nous nous plaisons les envelopper, et le contentement que nous éprouvons à nous représenter un univers pleinement un suffit-il à nous en garantir l’existence

? Ce qui reste donc inexpliqué, c’est le droit que nous avons 

de compléter nos perceptions particulières par la représentation graduellement reconstituée d’un tout continu. 11 y a là un idéal des démarches de l’esprit posé ci priori, d’autant plus a priori, pourrait-on dire, que les connaissances dues à l’expérience vraie ne sont pas des connaissances relatives, mais, selon. Ja thèse très explicite de M. Bergson, des connaissances absolues. C’est absolument que l’univers est donné comme une continuité mouvante, et non pas simplement pour une représentation relativement plus compréhensive que nos perceptions ordinaires.

Rappelons-nous du reste comment a été posée au début du livre la réalité du monde extérieur. A-t-elle été posée véritablement en dehors de toute théorie, selon ce qu’elle parait être, c’est-à-dire comme une série d’images indépendantes de nous ? Nullement. En même temps que les images étaient considérées comme indépendantes de nous, elles étaient considérées comme essentiellement liées entre elles par des rapports de dépendance réciproque. « Toutes ces images agissent et réagissent les unes sur les autres dans toutes leurs parties élémentaires selon des lois constantes, que j’appelle lès lois de la nature, et comme la science parfaite de ces lois permettrait sans doute de calculer et de prévoir ce qui se passera dans chacune de ces images, l’avenir des images doit être contenu dans leur présent, et n’y rien ajouter de nouveau » (p. i). Ainsi ce qui a été posé tout d’abord, ce n’est pas seulement la réalité extérieure des images, c’est encore leur intelligibilité, ce n’est pas seulement leur existence pure et simple, c’est leur existence telle que la science la requiert, A