Page:Revue de métaphysique et de morale, 1897.djvu/389

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v. delbos. – Matière et mémoire : 385


l’idée de l’expérience vraie et des conditions quelle implique- pré-, "Rev, Meta. T. V. 1897.. 25

vrai dire, il semble bien que M. Bergson ait une tendance à subordonner leur intelligibilité à leur réalité, à faire de leur intelligibilité la forme abstraite de leur réalité. Mais, dans ce cas, l’intelligibilité explicite qu’il leur reconnaît n’est que leur intelligibilité pour nous, imparfaite évidemment, inadéquate à l’univers ; seulement il y a une intelligibilité implicite qu’il met en elles, absolue celle-là et sans limites, d’après laquelle elles ont la double vertu de constituer un tout et de pouvoir apparaître à des consciences. En ce sens leur intelligibilité n’est pas seulement la formule schématique, elle est bien la condition de leur réalité. Et voilà pourquoi en définitive nous tendons à chercher par delà l’expérience humaine l’expérience vraie ; voilà pourquoi nous supposons que cette expérience vraie nous livrera un monde sans parties réelles, sans solutions de continuité. « Si l’on ° réunissait, nous dit M. Bergson (p. 256), tous les états de conscience passés, présents ou possibles, on n’aurait épuisé par là, selon nous, qu’une très petite partie de la réalité matérielle, parce que les images débordent la perception de toutes parts. Ce sont précisément ces images que la science et la métaphysique voudraient reconstituer, ° restaurant dans son intégralité une chaîne dont notre perception ne tient que quelques anneaux. » Ces images existent donc même quand aucun être humain ne les percevrait. Cela est parfaitement juste en un sens, et il est très vrai que l’empirisme anglais, en les réduisant à des sensations possibles, n’en explique pas l’existence. Mais ces images existantes, nous ne pouvons les connaître que par la fonction qu’elles doivent remplir, et cette fonction, à laquelle se mesure leur existence, est précisément de relier ce que notre perception a séparé. Si par hasard elles manquaient à ce rôle qu’implicitement ou explicitement notre pensée leur assigne, elles perdraient toute raison d’être ; et alors même qu’elles seraient, c’est-à-dire qu’elles,nous sembleraient être sur le prolongement de notre perception .actuelle, nous devrions douter de leur existence. Elles ne sont pas seulement des sensations possibles, elles sont des sensations possibles nécessaires, et c’est’parce qu’elles sont les éléments indispensables d’un ordre rigoureux qu’elles sont, alors même que nous ne les percevons pas.

i Donc, supposé que nos sens soient avant tout, comme disait Malebranche, des instruments d’utilité, et que les seules exigences de l’action .distinguent l’expérience* humaine de l’expérience vraie, l’idée de l’expérience vraie et des conditions qu’elle implique- pré-.