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vie, nous conduit, du pas rapide d’un conquérant, de triomphe en triomphe. Mais ce qui, considéré par fragments, constitue autant de gains incontestables, soulève un problème difficile aussitôt, que e l’œuvre en question est considérée comme faisant un tout et exerce son action comme telle ; tant de succès éclatants remportés sur l’univers n’apportent à l’homme intérieur aucune satisfaction ; il semble que le développement même de notre force nous rende les bornes de notre pouvoir saisissables, que nos progrès mêmes suscitent des difficultés toujours plus grandes.

Les sciences exactes nous ont enseigné à comprendre les phénomènes avec toujours plus de clarté, à les ordonner conformément à des lois toujours plus simples, mais les choses elles-mêmes se sont par là même évanouies dans un lointain toujours plus reculé, et notre âme propre s’est aussi résolue de plus en plus en phénomènes isolés. D’un développement plus puissant de l’intelligence nous espérions une exaltation de toutes les facultés humaines ; et une amélioration ; mais, dans le progrès de ce mouvement, l’intelligence a usurpé le domaine entier de l’esprit ; et rétréci le champ de la vie intérieure ; en même temps la mobilité accrue de la pensée donnait naissance aune subjectivité effrénée, à une réflexion en même temps effrontée et vide, il une sophistique hostile à toute vérité objective. La philosophie contemporaine- des lumières s’est résumée dans un effort pour ramener la culture des hauteurs dans les vallées, pour r communiquer, au plus grand nombre d’hommes possible, ce qui avait été conquis par le travail solitaire de l’élite. De sorte que la civilisation s’est emparée plus que jamais des masses ; mais, en raison de son extension, elle a subi un abaissement interne ; manifestement elle est devenue plus vulgaire et plus superficielle, son contenu rationnel est de jour en jour plus médiocre. Nous avons acquis la domination sur la nature d’une manière qui aurait, à des temps moins mûrs, paru féerique. Mais dans la mesure où i nous remportions, extérieurement, la victoire sur les choses, leur mécanisme est devenu, intérieurement, notre maître, et toutes les relations humaines ont été soumises à l’action de forces qui les ont s mécanisées et déspiritualisées. Machinisme et démocratisme réunis produisent ces complications et, ces tensions de la question sociale qui accaparent de plus en plus toutes les pensées et jettent le monde entier dans un état de fièvre et d’angoisse. Les fins que nous poursuivions, peut-être donc sont-elles atteintes, –