Aller au contenu

Page:Revue de métaphysique et de morale, 1897.djvu/428

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
424
REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

brièvement en revue les explications que peut suggérer une pareille extinction, après un si vif éclat peut-être se dégagera-t-il de cet examen que le ralentissement du progrès scientifique a suivi de près la disparition d’un élémenal, décidément vital, je veux dire du désintéressement avec lequel la science était cultivée.

Faut-il d’abord s’arrêter à cette tradition des anciens philosophes et de la plupart des religions qui, d’une façon ou d’une autre, place l’âge d’or dans le passé, et déclare l’humanité condamnée désormais à suivre des chemins difficiles, à voir toutes ses œuvres nécessairement précaires, incomplètes et jamais définitives. Pour Platon c’étaient les hommes d’autrefois qui étaient près des Dieux. Aristote disait que les arts et les sciences ont été souvent trouvés et souvent perdus. La loi du progrès continu ne serait pas, ou ne serait plus le fait de l’humanité. — Si intéressantes que puissent être de semblables théories, on ne saurait y avoir recours qu’en se déclarant incapable de trouver une explication naturelle cela équivaudrait à un abandon de la question.

Admettra-t-on que l’échafaudage scientifique construit par les anciens a manqué de solidité faute, chez eux, d’une organisation suffisante ? Les efforts des savants étaient isolés ; les moyens de les grouper, de les associer, de les amener à produire quelque œuvre durable, faisaient défaut. Les anciens n’avaient pas, comme nous aujourd’hui, « ces livres imprimés, mémoires, monographies, œuvres complètes, recueils périodiques, où, sous diverses formes, la science est inscrite et déposée, à mesure qu’elle se fait[1] ». Ils ne connaissaient pas comme nous les Académies, les Instituts, les Universités. Cela est trop clair ; mais d’abord il ne faut rien exagérer les livres, les bibliothèques abondaient autrefois ; les foyers de la science ne manquaient pas non plus. Sans parler de l’École d’Alexandrie, ne se groupait-on pas autour d’un Platon, d’un Aristote, d’un Pythagore, ou d’un Théodore de Cyrène, et ne formait-on pas alors des sociétés comparables jusqu’à un certain point à nos sociétés savantes d’aujourd’hui ? — Ensuite, à quelle époque l’éparpillement des efforts individuels dut-il être le plus considérable ? N’est-il pas évident que du viie au ive siècle, quand, par exemple, Thalès en Asie Mineure, Pythagore en Italie, Démocrite sur les côtes de Thrace, Hippocrate à Chios, contribuent chacun

  1. Egger, Science ancienne et Science moderne, p. 3.