pour sa part à grossir l’œuvre mathématique des Grecs, — n’est-il pas évident, dis-je, qu’on ne saurait parler de rien qui ressemblât à une organisation d’ensemble ? Et pourtant nous savons bien aujourd’hui que c’est dans cette première période, de Pythagore à Platon, que s’est constitue tout le gros de l’œuvre. L’apogée de la grande époque de la science grecque sera marqué par les ouvrages d’Archimède et d’Apollonius, mais il ne feront que compléter et couronner par leurs immortels travaux l’édifice que les siècles précédents avaient construit. Comment songer alors à expliquer la décadence de la science grecque par le défaut d’organisation ? Ce défaut fut réel, mais tout d’abord, quand il fut le plus manifeste, la pensée grecque n’y trouva qu’un obstacle facile à vaincre plus tard, quand l’École d’Alexandrie réalisa ce groupement qui semble la condition indispensable du progrès, la science ne brilla plus longtemps d’un vif éclat.
Une explication autrement séduisante a été proposée. Les Grecs ne pouvaient produire qu’une ébauche imparfaite de science, parce qu’ils n’étaient pas capables de créer la méthode expérimentale, et cette incapacité tenait à la façon même dont ils envisageaient la science. Leur esprit rationaliste à outrance n’eût pas accepté des faits qu’ils n’auraient pu comprendre, ce qui est cependant indispensable à qui veut sincèrement appliquer la méthode expérimentale à la recherche patiente des lois de l’Univers. Leur science théorique serait ainsi restée comme suspendue en l’air, trop loin du contact des faits et des choses du monde sensible, et n’aurait pas reçu cette réaction bienfaisante, cette excitation qu’elle reçoit aujourd’hui de la méthode expérimentale. Celle-ci ne pouvait pas naître sérieusement, celle-là devait donc peu à peu s’épuiser et s’éteindre la science grecque dans son ensemble était ainsi destinée à une mort certaine. Il ne fallait rien moins qu’une transformation de l’esprit humain, sous l’influence du fidéisme religieux du moyen âge[1], pour amener le savant à accepter de ne pas tout comprendre, et lui rendre ainsi possible la création de la méthode expérimentale avec toute sa rigueur. — On peut répondre :
1o Les Grecs ont observé, cela est incontestable. C’est par un ensemble considérable d’observations qu’ils ont tenté de créer les sciences médicales, les sciences naturelles, les sciences biologiques.
- ↑ Egger, op. cit.