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Page:Revue de métaphysique et de morale, 1897.djvu/490

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486 REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DÉ MORALE.

cette même continuité à la grandeur linéaire par l’intermédiaire de ces nombres, en admettant qu’elle fournit tous les points nécessaires à leur application » (p. 169).

Pour M. Couturat, c’est là une interversion manifeste de la filiation naturelle des idées mathématiques. « En effet, dit-il, il n’y a pas de raison, au point de vue arithmétique, pour transformer l’ensemble des nombres rationnels en un ensemble continu, encore moins pour attribuer à lagrandeur géométrique une continuité d’emprunt ; mais, si au contraire la continuité est essentielle aux grandeurs géométriques, il y a un intérêt évident à créer de nouveaux nombres pour la représenter d’une manière adéquate dans les formules de l’Analyse. On n’invente pas de nouveaux points pour leur appliquer les nombres irrationnels ; on invente de nouveaux nombres pour représenter les points irrationnels de la droite (p. 170-171). » II ajoute d’ailleurs que les points rationnels et irrationnels ne sont distingués, comme nous l’avons vu, que d’une façon tout à fait artificielle, ce qui leur confère à tous la même existence géométrique et la même « réalité », expression dont le sens précis nous échappe. Il reconnaît cependant que l’on peut construire analytiquement un continu numérique indépendant de .toute intuition, d’oir il résulte que la continuité n’appartient pas ’en propre et exclusivement aux grandeurs géométriques et peut être logiquement conçue dans la catégorie du nombre pur. (p. 172).

M. Couturat nous paraît être dans le vrai en considérant la continuité-géométrique comme primitive, et l’on verra plus loin que nous lui accordons même, à certains égards, un caractère plus absolu qu’il ne le fait lui-même. Nous professons donc avec lui que, lorsque la diagonale d’un carré nous apparaît comme ayant 2 pour carré, l’existence de cette longueur dans le continu géométrique est une raison déterminante de considérer le symbole y’S comme représentant, non pas une simple coupure dans la série des nombres, mais un nombre véritable permettant de mesurer ladite diagonale.

En parlant ainsi, nous ne renonçons nullement. à chercher à faire ressortir un peu plus loin la contradiction qu’implique, selon nous, l’hypothèse du continu réalisé ; mais, si nous tenons que les rapports spatiaux et temporels sont forcément en nombre fini dans l’univers, existant ou représenté, nous n’en admettons pas moins de la façon qu’on verra, que ces rapports peuvent prendre indifféremment