A. SPIR. – LES FONDEMENTS DE LA RELIGION ET DE LA MORALE. 47 près les choses, on voit qu’il n’en est rien. D’abord, il importe `` S do bien comprendre que le dieu de la religion ordinaire, de la religion égoïste, doit être conçu non seulement comme gouvernant le 3 r monde, mais aussi comme capable d’être influencé par les prières et les actions des hommes, d’enfreindre, par suite, dans leur intérêt, les lois de la nature. Seul un dieu qui fait des miracles peut répondre S au besoin dont la religion naturelle est l’expression, au besoin d’être ~f rassuré et consolé. Si l’on suppose, au contraire, que ce dieu,’tout en ayant conscience de lui-même et de son action-, agit exclusive- ~S ! ment suivant les lois de la nature,- si l’on suppose que l’action de la .S nature est son action même, il ne peut satisfaire à aucun besoin de ~9 l’âme humaine. On ne doit, en effet, attendre de lui que ce que l’on .~2 peut attendre de la nature d’après le témoignage dé l’expérience, et nous savons par expérience que la nature est immorale et implacable’ dans’sonaction, qu’elle ne se laisse toucher ni par le mérite, ’S ni par la bonté, ni par la beauté, et qu’elle va broyant tout dans sa marche aveugle. Ses lois fondamentales semblent même n’avoir aucun rapport à l’existence d’êtres pensants et sensibles ; ce sont, eneffet, les lois de. la matière qui suivraient leur cours en l’absence de tout être semblable et qui ne le changent en rien quand il s’en ~~E trouve pris dans leur engrenage. Si c’est là l’action d’un dieu, le. culte qui lui conviendrait le mieux serait la procession dans l’Inde du char de Jaggernaut ; quelle aide, quelle protection pourrait-on attendre de lui ? Par la croyance, au contraire, que notre dieu ne i ̃ doit pas être identifié tout à fait avec la nature, quoiqu’il là gou- ; !j verne en>dernier ressort, qu’il ne se laisse pas lier par les lois physiques, mais les enfreint pour le bien des hommes, son caractère est "S humanisé et moralisé, et son culte peut satisfaire au besoin d’être rassure et consolé, besoin si naturel à l’humanité. Mais comment croire à un dieu qui fait des miracles I Le cours des S événements est-il changé par celte croyance ? Hélas ! non. Le témoi- :N gnage de l’expérience, dans tous les temps et dans tous les lieux, est que tout arrive et se produit suivant des lois immuables, inexorables, Ë et tous les hommes pensants l’ont reconnu dès le temps même où les sciences physiques n’existaient pas encore. Pour nous. qui connais- J~ sons les résultats de ces sciences, qui sommes arrivés à constater le règne, de lois invariables dans la nature et l’expérience, il nous faudrait nous aveugler nous-mêmes pour croire à un dieu qui ferait des miracles. Quel homme, jouissant de son bon sens, comp- ~ ?~
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