Page:Revue de métaphysique et de morale, 1897.djvu/539

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L. BRUNSOHVIOG. –< spiritualisme ETSENS COMMUN. ’835 <le saisir. Mais, en maintenant devant soi un produit authentique de l’esprit, sous la forme où le langage le fixe, il est facile de faire en sorte que la réflexion s’y retrouve elle-même. Donnons-nous l’exemple le plus simple et le plus précis une démonstration d’Euclide se compose d’une série de propositions, qui chacune est une série de mots-. Cette démonstration, une fois écrite, survit au moment où elle a été exprimée, à l’individu qui l’a exprimée ; les éléments en occupent une place définie dans l’espace, et, chaque fois que s’en renouvelle l’expression, ils ont également une place définie dans le temps. La démonstration d’Euclide est bien une réalité matérielle. On peut, comme Kant le fait remarquer, montrer le livre d’Euclide et dire voilà la géométrie. Cependant ce serait un paradoxe insoutenable que la géométrie existàt indépendamment des géomètres ; la géométrie nous apparaît comme éternelle, parce qu’elle est apte à revivre indéfiniment dans la série des générations, et comme objective, parce qu’elle revit en toutes de la même façon. Or les conditions de cette réviviscence sont aisées à déterminer. Il y a d’abord une sorte d’intelligence élémentaire qui donne un sens à chaque mot et à chaque groupe demots, qui permet d’entendre le, langage. Puis intervient l’intelligence géométrique tout d’un coup on a compris, la suite des phrases est illuminée et comme transparente, elle est devenue un système et ne forme plus qu’une idée. L’esprit est alors en pleine possession de la démonstration. C’est alors aussi que se pose à lui la question décisive en ramenant à. l’unité, qui fait l’intelligibilité de la démonstration, la multiplicité qui en constituait la réalité matérielle, avons-nous la conscience que nous ne faisons que développer ce qui était à l’avance contenu dans ̃les mots du livre, ou, au contraire, n’éprouvons-nous pas que cette I unité intelligible est la raison d’être de cette multiplicité, réelle ? Le Mangage écrit, qui a fixé la démonstration dans la science, est l’organe de la géométrie ; l’activité intellectuelle qui le fait revivre dans l’esprit, n’est-il qu’une fonction immédiatement liée aux déterminations de cet organe, ou la fonction a-t-elle produit, et seule expliquet-elle, les déterminations de cet organe ? Le problème du rapport .entre l’organe et la fonction, entre la matière et l’esprit, qui, posé par les physiologistes dans le domaine de l’activité inconsciente, aboutit lorsqu’il est le plus approfondi à des formules d’apparence paradoxale et de sens obscur, pour celui-là même qui les émet, se détache ici en pleine lumière. L’esprit n’a plus à supposer derrière