834 REVISE DE MÉTAPHYSIQUE -ET, DE. MORALE.
ajouter aux idées qui sont saisies par l’esprit et qui ne peuvent constituer que la forme ou l’essence des choses, un je ne sais quoi d’impénétrable et de fixe, principe de la réalité indépendante, et qui ne peut être que la matière elle-même. La matière se retrouve ainsi au cœur de la notion aristotélicienne de substance, fondement de, cette ontologie étrange à laquelle on a si longtemps réservé le nom ’1 de métaphysique et où faillit sombrer la raison philosophique de l’humanité. D’autre part, lorsque Descartes essaya de restaurer sur les ruines de la scolastique un spiritualisme supérieur, il conçut l’âme comme une chose pensante, sur le modèle de la chose étendue. Héritier d’Aristote et de Descartes, l’éclectisme ne pouvait se soustraire à cette confusion il alla chercher l’âme au delà de tous nos actes, de tous nos sentiments, de toutes nos pensées, dans une sorte de sanctuaire où elle veillait, immuable, dans la dignité de sa substantialité, et il n’a pas compris qu’il l’avait détachée de la vie spirituelle, qu’il en avait fait une chose analogue à l’objet matériel, que son identité n’était que le symbole de son inertie, son immortalité la conséquence de son néant elle était impérissable sans doute, puisqu’elle n’avait pas commencé d’exister.
Une telle conception est-elle définitive ? Le sens commun a accompli un certain progrès en passant des représentations purement matérialistes aux croyances spiritualistes ; mais ce progrès a entraîné la confusion du spiritualisme et du matérialisme, et par suite aussi le discrédit légitime où le sens commun est tombé dans notre siècle. Pourquoi, cependant, cette confusion et ce discrédit seraient-ils choses irrémédiables ? Puisque, suivant la remarque de Descartes, l’esprit est naturellement plus près de lui-même que de la matière, alors il n’est pas impossible que le sens commun accomplisse un nouveau progrès, cette fois décisif, qu’il arrive à concevoir le spiritualisme dans sa rectitude et dans son intégrité. Pour amener ce progrès, il n’est besoin ni de subtilités dialectiques ni de discussions de systèmes ; il n’y a pas d’autre proposition à établir que celle-ci V esprit est esprit ; seulement il s’agit, pour en faire voir tout le sens, de rétablir le contact de l’esprit avec lui-même, de lui donner l’expérience directe et totale de sa vie intérieure. Comment acquérir une notion positive de l’esprit ? Sans doute il ne suffira pas de se regarder agir ; car l’attention, en se tournant brusquement vers le dedans, suspend le cours normal de l’activité psychique et supprime par là même le contenu qu’on se proposait