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Page:Revue de métaphysique et de morale, 1897.djvu/54

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iig :ii : 80 REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE. 1 (M ».

prendre que Dieu représente seul cette nature normale et qu’il n’y y a de perfection absolue qu’en lui.

Cette notion nous montre à nous-mêmes dans une relation beaucoup plus intime avec Dieu que ne l’ont cru les religions du passé. Quoique séparés de Dieu par l’abîme de l’anomalie que constitue notre nature physique, nous ne le sentons pas moins comme le fond de notre être, c’est-à-dire des éléments supérieurs de notre être, comme notre vrai moi, notre nature vraiment propre ou normale. C’est pour cela que l’amour de Dieu est l’amour du vrai et du bien, et que la notion de Dieu est le principe de la pensée logique et de la conscience morale. Mais, en dehors de la recherche du vrai et du bien comme éléments divins, l’âme a un sentiment direct de sa parenté avec. Dieu et une tendance à s’unir à lui comme à sa véritable source ou à sa racine. C’est ce sentiment et cette tendance qui constituent la religion en tant qu’elle se distingue de la philosophie et de la moralité.

La religion, la moralité et la philosophie ne sont que trois faces différentes d’un même fait ou trait de notre nature supérieure. Néanmoins elles ont pu se développer jusqu’à un certain point indépendamment les unes des autres, et notamment la religion et la moralité se sont constituées indépendamment de la philosophie. Reposant sur le sentiment intime et la conscience intuitive de Dieu comme bien pur et norme des choses, la religion et la moralité ont atteint chez quelques hommes un degré remarquable de pureté et d’élévation, en l’absence de toute croyance réfléchie certaine, ou même associées à des théories fausses. Mais c’est là un privilège des âmes d’élite. Pour le commun des hommes, une fausse philosophie entraîne, comme conséquence nécessaire, une religion dénaturée et une moralité imparfaite. Le sentiment de la parenté de l’homme avec Dieu s’est ordinairement traduit par la croyance en un Dieuhomme, en une incarnation de Dieu, et nos sociétés européennes vivent encore pour la plupart sous le prestige d’une croyance de ce genre. Jésus était un de ces hommes rares, auxquels j’ai fait allusion plus haut, qui ont possédé dans toute sa pureté le sentiment moral et religieux ; il a appris aux hommes à voir en Dieu leur Père, c’està-dire à sentir avec Dieu comme source de notre nature supérieure leur parenté Mais les hommes ont perverti l’enseignement de I. Soyez parfaits comme votre Père aux cieux est parfait. »