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Page:Revue de métaphysique et de morale, 1897.djvu/542

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S38 REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

la conversion, même la plus inattendue, la conversion totale est toujours prête à jaillir de la source profonde de la pensée ; c’est ce fait, en apparence le plus mystérieux, qui en réalité atteste le mieux la fécondité illimitée de l’esprit et nous ouvre le jour le plus clair sur sa véritable nature.

Enfin, l’esprit consistant dans la formation incessante de nouveaux systèmes d’idées, nous éprouvons qu’il n’y a pas discontinuité entre ces systèmes, tout au moins si nous nous renfermons dans le coursnormal de la vie où se place naturellement le sens commun, où. nous devons chercher la directe et pleine conscience de l’esprit. Tous ces systèmes se pénètrent par leur retentissement réciproque, par leur réaction mutuelle, ils constituent cette unité, toujours provisoire et inachevée, mais toujours aussi réellement sentie, qui est. l’âme individuelle. Rien ne semblerait plus contraire à notre expérience intime de la vie psychique que de la séparer en différents ordres étrangers l’un à l’autre, exclusifs l’un de l’autre, systèmes de sentiment ou de volonté à côté des systèmes proprement intellectuels. Rien ne saurait choquer davantage le sens commun, puisqu’il faudrait transporter à des facultés non intellectuelles le pouvoir de détermination qui définit l’intelligence. Car si le sentiment en général peut être conçu, si le goût d’aimer, la passion de la nouveauté ou l’attachement aux traditions peut contribuer à définir le caractère d’un individu, encore est-il vrai que le sentiment ne peut exister et agir que s’il a une direction et un but, que si, chimérique ou réel, il se propose un objet et se le représente comme étant donné avant de devenir aimable. Pascal élève le sentiment au-dessus de la raison ; mais encore il reconnaît que de lui-même et pour la conscience de l’individu le sentiment se confond avec la fantaisie ; il ne s’en discerne définitivement que par la réalité de son objet, et cette réalité suppose évidemment une détermination autre que l’état de l’émotion. A plus forte raison la volonté ne peut-elle s’opposer à l’intelligence sans se détruire elle-même, en renonçant à toute orientation aussi Schopenhauer doit-il donner un but à cette volonté primordiale dont l’intelligence serait issue il la détermine comme vouloir vivre, et par là même il lui confère un minimum d’intelligibilité. Bref, pour concevoir des systèmes psychiques qui ne soient point liés à des idées, il faut les rapporter à des puissances indéterminées, et la puissance indéterminée est ce qui ressemble le plus exactement au néant. Qu’elle soit formée par nous ou reçue du