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864 REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

A n’est plus A et que les mêmes causes ne produisent plus les mêmes effets devant cette absurdité, ma raison se révolte, et cette révolte, c’est Je sentiment, de l’obligation morale. A la vérité, l’absurdité est plus apparente que réelle. Si je tenais compte de toutes les causes et de tous les effets, jamais je ne pourrais constater que des causes identiques produisent des effets différents et des causes différentes des effets identiques. Mais par cela même que je me place au point de vue moral, j’élimine les causes et les effets amorau^, je ne retiens que les causes réfléchies et les effets conscients, et c’est dans ce monde, abstrait de la réalité totale, que je m’attends à voir les causes et les effets se succéder conformément aux principes rationnels. L’homme qui se plaint de l’injustice divine parce que son labeur n’a pas donné un jour le même résultat que la veille, ne tient compte que d’un facteur du produit, son travail, il fait abstraction de tous les autres ; or l’effet, s’il est toujours adéquat à sa cause, n’est pas nécessairement adéquat à sa cause humaine. Mais l’homme se considère comme un petit absolu, et il estime que les causes non humaines sont négligeables le monde moral lui parait être un « système fermé » il faut donc que les mêmes actions humaines amènent les mêmes résultats humains. Considérer l’homme « comme un empire dans un empire », c’est le postulat de la morale dès que, dans cet empire, les lois rationnelles paraissent violées, l’esprit humain cherche à supprimer ce scandale et cet effort s’appelle l’obligation. De cette origine nous pouvons déduire les caractères du sentiment de l’obligation. Le trouble qui met en branle notre activité peut être un désordre sensible ou un désordre intellectuel ; la querelle peut s’élever entre des sensations ou entre des idées. Dans le premier cas, l’existence de notre corps est compromise ; dans le second la paix de l’àme est seule en danger. Il en résulte que le désordre sensible donne naissance à un désir impérieux sous peine de mort il faut rétablir l’équilibre ; mais un conflit d’idées est moins pénible et le désir qui en dérive s’impose avec une moindre nécessité. Le sentiment moral naît d’un désordre intellectuel, puisqu’il suit la constatation d’une absurdité nous avons dans l’esprit d’une part un principe abstrait, d’autre part un fait qui paraît être une violation de co principe. Le désir d’activité morale sera donc moins pressant que le désir d’activité physique les hommes sont, en général, plus altérés d’alcool que de justice. C’est à la même conclusion qu’aboutissent les observateurs de la conscience lorsqu’ils disent que l’instinct nous