Page:Revue de métaphysique et de morale, 1897.djvu/574

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8>î0 REV0E DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

Si toutes ces déductions sont légitimes, la loi morale est universelle parce qu’elle est nécessaire elle dérive des principes rationnels. Elle n’est pas seulement universelle dans sa forme, comme le croyait Kant, elle est universelle dans sa matière. Elle ne dit pas seulement à chacun « Obéis » si elle ne dit pas non plus à tous les hommes, comme le croyait l’ancien dogmatisme « ne tue pas » ou « fais l’aumône », elle donne à tous le même ordre « sois juste ». Sans doute, cet ordre ne reçoit pas de tous la même interprétation ; mais c’est que les hommes ne sont pas infaillibles. La justice est un rapport ; les hommes peuvent attribuer des valeurs différentes aux termes de ce rapport, mais le rapport lui-même demeure constant. Telle est la conclusion de la morale déductive. Serait-elle confirmée par l’induction ? On ne saurait l’affirmer sans imprudence ; pourtant, tout porte à l’espérer ; il semble bien que si des faits paraissent échapper aux lois rationnelles, c’est qu’ils sont mal connus ou mal’ interprétés ne pourra-t-on pas ramener à la loi ces exceptions apparentes ? De même que sous la variété des mouvements se retrouve la loi de l’attraction, de même ne retrouverait-on pas la loi de justice sous la variété des coutumes et des mœurs ? Le paradoxe de la physique contemporaine, c’est que les déductions d’une science idéale y concordent avec les inductions d’une science positive. Pourquoi, de même, les déductions de la morale ne concorderaient-elles pas avec les inductions de la sociologie ? En tout cas, ces déductions ne peuvent-elles pas servir d’hypothèses capables de guider l’observateur dans la forêt touffue des faits moraux ? PAUL Lapie.