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Page:Revue de métaphysique et de morale, 1897.djvu/578

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574 • REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

également dans deux cas qui différent entre eux par toutes les circonstances, hors une qui leur est commune la présence au fond d’une erreur. L’homme qui s’effraye d’un péril inexistant n’est pas moralement fautif si le péril existait, sa peur serait raisonnable ; il n’a qu’un tort intellectuel, croire à ce qui n’est pas. Voici d’autre part un homme vicieux cet homme attend de l’exercice de son vice des résultats pro fitables pour soi, nuisiblesaux autres. Supposez qu’il ne se trompe pas, les résultats attendus et réalisés ne feront, nullement rire le spectateur ; ce serait plutôt le contraire. Mais supposez que là où cet homme attend profit ou plaisir, il récolte un déboire ou une perte ; qu’au lieu d’un baiser, par exemple, il cueille un coup de bâton, on rira de son désappointement, et plus au fond encore de l’erreur, des mesures mal prises, qui ont causé le désappointement. Dans le cas précédent, je me hâte de le noter, il y a vraiment deux causes au rire le désappointement et l’aberration intellectuelle. Cette combinaison de causes devait se produire, et elle se produit en effet avec fréquence. Il me semble bien la découvrir dans une classe de faits risibles où l’on serait disposé à n’apercevoir à première vue que du désappointement. Voici un orateur qui parle avec gravité devant un auditoire très recueilli. Une mouche vient se poser sur le nez de l’orateur qui la chasse. La mouche s’obstine. Déjà quelques personnes rient ; et c’est l’ennui, le désappointement de l’orateur qui les amuse. Mais supposez que celui-ci multiplie ses efforts pour chasser la mouche et continue parallèlement son débit grave, les deux feront ensemble une telle inconvenance, qu’a la nn tout le monde perdra son sérieux.

Ceci nous apprend que l’inconvenance n’a pas besoin, pour faire rire, d’être le fait, la faute d’une volonté maladroite. Les choses, on l’a dit souvent, ont leur malice, mettons si vous voulez leur indépendance à notre égard, leur désobéissance. Elles nous imposent des inconvenances qui dérident le spectateur un objet que nous voulons mettre d’aplomb et qui persiste à se renverser, une chaise que nous poussons pour passer et qui revient se jeter dans nos jambes, amusent le public au théâtre comme dans la vie. Il s’égaie de la petite misère sans doute, mais aussi de l’inconvenance. La preuve c’est que l’hilarité croit à mesure que le second élément s’accuse davantage, comme dans l’exemple du prédicateur et de la mouche. Voici un petit événement qui fait toujours rire ou sourire, quelle que soit" la personne qui l’éprouve une rupture d’étoffe à un endroit