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REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

simultanéité, puisque cette intelligence hypothétique, si même elle existait, serait impénétrable pour nous.

Il faut donc chercher autre chose.

VIII. — Les définitions ordinaires, qui conviennent pour le temps psychologique, ne pourraient plus nous suffire. Deux faits psychologiques simultanés sont liés si étroitement que l’analyse ne peut les séparer sans les mutiler. En est-il de même pour deux faits physiques ? Mon présent n’est-il pas plus près de mon passé d’hier que du présent de Sirius ?

On a dit aussi que deux faits doivent être regardés comme simultanés quand l’ordre de leur succession peut être interverti à volonté. Il est évident que cette définition ne saurait convenir pour deux faits physiques qui se produisent à de grandes distances l’un de l’autre, et que, en ce qui les concerne, on ne comprend même plus ce que peut être cette réversibilité ; d’ailleurs c’est d’abord la succession même qu’il faudrait définir.

IX. — Cherchons donc à nous rendre compte de ce qu’on entend par simultanéité ou antériorité, et pour cela analysons quelques exemples.

J’écris une lettre ; elle est lue ensuite par l’ami à qui je l’ai adressée. Voilà deux faits qui ont eu pour théâtres deux consciences différentes. En écrivant cette lettre, j’en ai possédé l’image visuelle, et mon ami a possédé à son tour cette même image en lisant la lettre.

Bien que ces deux faits se passent dans des mondes impénétrables, je n’hésite pas à regarder le premier comme antérieur au second, parce que je crois qu’il en est la cause.

J’entends le tonnerre et je conclus qu’il y a eu une décharge électrique ; je n’hésite pas à considérer le phénomène physique comme antérieur à l’image sonore subie par ma conscience, parce que je crois qu’il en est la cause.

Voilà donc la règle que nous suivons, et la seule que nous puissions suivre ; quand un phénomène nous apparaît comme la cause d’un autre, nous le regardons comme antérieur.

C’est donc par la cause que nous définissons le temps ; mais le plus souvent, quand deux faits nous apparaissent liés par une relation constante, comment reconnaissons-nous lequel et la cause et lequel est l’effet ? Nous admettons que le fait antérieur, l’antécé-