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H. POINCARÉ.LA MESURE DU TEMPS.

dent, est la cause de l’autre, du conséquent. C’est alors par le temps que nous définissons la cause. Comment se tirer de cette pétition de principe ?

Nous disons tantôt post hoc, ergo propter hoc ; tantôt propter hoc, ergo post hoc ; sortira-t-on jamais de ce cercle vicieux ?

X. — Voyons donc, non pas comment on parvient à s’en tirer, car on n’y parvient pas complètement, mais comment on cherche à s’en tirer.

J’exécute un acte volontaire et je subis ensuite une sensation , que je regarde comme une conséquence de l’acte  ; d’autre part, pour une raison quelconque, j’infère que cette conséquence n’est pas immédiate ; mais qu’il s’est accompli en dehors de ma conscience deux faits et dont je n’ai pas été témoin et de telle façon que soit l’effet de , que soit celui de et celui de .

Mais pourquoi cela ? Si je crois avoir des raisons pour regarder les quatre faits , , , , comme liés l’un à l’autre par un lien de causalité, pourquoi les ranger dans l’ordre causal et en même temps dans l’ordre chronologique plutôt que dans tout autre ordre ?

Je vois bien que dans l’acte j’ai le sentiment d’avoir été actif, tandis qu’en subissant la sensation , j’ai celui d’avoir été passif. C’est pourquoi je regarde comme la cause initiale et comme l’effet ultime ; c’est pourquoi je range au commencement de la chaîne et à la fin ; mais pourquoi mettre avant plutôt que avant  ?

Si l’on se pose cette question, on répondra ordinairement : on sait bien que c’est qui est la cause de , puisqu’on voit toujours se produire avant . Ces deux phénomènes, quand on en est témoin, se passent dans un certain ordre ; quand des phénomènes analogues se produisent sans témoin, il n’y a pas de raison pour que cet ordre soit interverti.

Sans doute, mais qu’on y prenne garde ; nous ne connaissons jamais directement les phénomènes physiques et  ; ce que nous connaissons, ce sont des sensations et produites respectivement par et par . Notre conscience nous apprend immédiatement que précède et nous admettons que et se succèdent dans le même ordre.

Cette règle paraît en effet bien naturelle, et cependant on est sou-