Page:Revue de métaphysique et de morale, 1898.djvu/169

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
164
REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

Elle suppose le sentiment de notre insuffisance, c’est-à-dire de notre dépendance, l’attachement non à notre être, mais à l’être, qui aboutit non à son expression adéquate, sinon par l’intelligence, mais à des manifestations indéfinies, par l’appétit.

La conception intellectuelle de l’absolu aboutit donc à la conception volontaire, morale, et celle-ci, à laquelle s’est arrêté Leibniz, à une troisième, pour laquelle l’absolu n’est plus ni être, ni bien, ni objet de pure pensée, ni objet de volonté, mais objet de sentiment, ou plutôt sentiment : sentiment de l’unité. Ce sentiment constant et infini est la seule réalité qui puisse s’exprimer dans la double forme de l’intelligence et du vouloir, de l’être et du bien. C’est Dieu.

85

Je vous ai suggéré pour votre défense que le monde spatial, sans l’affirmation duquel le temps, donc la durée, n’est pas intelligible ni saisissable, n’est pas, dans votre thèse quelque chose en soi, mais une pure construction delà pensée. Vous avez saisi cette prise, et dit alors qu’en effet on ne peut prouver l’existence du monde extérieur, qu’on ne peut que l’admettre pour des raisons morales. Oui et non. Il n’est pas vrai qu’on puisse se comprendre si on ne l’affirme pas, mais la logique seule ne nous force pas à nous comprendre : il y faut autre chose, je vous l’accorde. Mais cela n’empêche pas que la pensée ne doive être d’abord accordée au moins au dedans avec elle-même, que la logique, tout en ne pouvant s’affirmer, ne soit nécessaire, qu’il ne faille : 1o unir et relier dans la pensée tout ce qui doit être uni, relié durée et temps, temps et espace. L’étendu a à ce titre une réalité, comme tout le reste, comme l’inétendu, qui ne se conçoit pas sans lui ; restera à chercher ensuite s’il représente quelque chose d’extérieur, d’en soi.

2o Y distinguer, pour le définir, tout ce qui y doit être distingué, l’observation de ce qui n’est pas elle, ce qui arrive ici (lieu et temps), dans telles conditions, de telles conditions, et ce qui n’arrive pas : le sensible, le formel, et l’action. L’observation intérieure n’est pas une observation, les faits qu’elle étudie ne sont pas des faits, les lois qu’elle cherche ne sont pas des lois : il faut donc donner à tout cela des noms à part, c’est-à-dire en définir l’idée, dire ce que c’est.

86

La liberté a trois sens : 1o Liberté abstraite, qui s’oppose à la nécessité comme son antithèse logique ; cette liberté se présente d’abord :