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Page:Revue de métaphysique et de morale, 1898.djvu/171

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REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

être conçue comme supprimée constamment par cela même que la pensée pense, car la réflexion, c’est-à-dire le doute, est une pensée, c’est-à-dire que la même spontanéité de la nature qui saisit l’être dans le donné sensible attache aussi la pensée à l’être dans le moment même où, par le doute, elle s’en détache. L’acte de réflexion ou de liberté n’est donc possible que sous deux conditions, celle-ci supérieure à la pensée, celle-là identique à son affirmation essentielle, et par suite n’est pas l’absolu : c’est-à-dire que le problème, dont le doute réflexif poursuit la solution est toujours résolu en fait, mais ne peut pas l’être en acte, et que par suite la liberté ne peut être conçue comme une action de laquelle l’être et la nature procèdent : cette procession apparente n’est réellement qu’un ordre de valeur, de prééminence[1]

… Pourquoi faut-il que j’avoue qu’il y a de l’être ? Ce ne peut-être, ni parce qu’en fait j’affirme qu’il y en a, ni parce que j’en ai l’idée qui se vérifie à l’infini, ni parce que, à un moment donné, je veux que cette idée ait une valeur absolue, c’est-à-dire, la volonté morale, quoiqu’elle soit la négation de la nature, c’est-à-dire de la nécessité de fait, est cependant possible par elle et peut seule la réaliser complètement. Le détachement de soi, le sacrifice est possible par l’amour pour l’être, non pas abstrait, mais réel, dont l’intelligence saisit la forme seulement et qu’elle présente comme extérieur, comme opposé, irréductible à la nature subjective, mais où [elle] reconnaît son semblable ou plutôt se reconnaît elle-même. L’intérêt que la nature sensible prend à la moralité n’est qu’une expression abstraite qui n’atteint pas le fond même du sentiment réellement éprouvé. S’intéresser au bien c’est s’attacher à son objet qui est autrui. La vie seule est aimée même quand l’amour impose la mort, et on peut dire en un sens qu’il l’impose toujours mais le miracle est que cette mort soit la vie, c’est-à-dire que la joie en sorte.

La vraie liberté est donc la liberté morale, non pas la pure position, c’est-à-dire acceptation, de la loi, mais son accomplissement, c’est-à-dire l’action de cette loi sur la nature par le concours de cette nature.

̃Dieu est l’unité, l’identité de la nature, de la raison, et de la liberté. Il se manifeste liberté morale, libre-raison, amour.

Dieu est esprit, c’est-à-dire pénétration, identité, action.

  1. Plusieurs points dans le manuscrit. E. C.