Page:Revue de métaphysique et de morale, 1898.djvu/20

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le cours régulièrement répété des âges, jeunesse, maturité, vieillesse, dans les êtres vivants, et les traits communs aux individus d’une même espèce. Il n’y a, point de science de l’individuel comme tel; il n’y a de science que du général, autrement dit de l’individu considère comme répète ou susceptible d’être répète indéfiniment.

La science, c’est un ordre de phénomènes envisagés par le côté de leurs répétitions. Ce qui ne veut pas dire que différencier ne soit pas un des procédés essentiels de l’esprit scientifique. Différencier aussi bien qu’assimiler, c’est faire œuvre de science ; mais ce n’est qu’autant que la chose qu’on discerne est un type tiré dans la nature à un certain nombre d’exemplaires et susceptible même d’une édition indéfinie. Tel est un type spécifique qu’on découvre, qu’on caractérise nettement, mais qui, s’il était jugé être le privilège d’un individu unique et ne pouvoir être transmis à sa postérité, n’aurait point à intéresser le savant, si ce n’est à titre de curiosité tératologique.

Répétition signifie production conservatrice, causation simple et élémentaire sans nulle création, car l’effet, élémentairement, reproduit la cause, comme le montre la transmission du mouvement d’un corps à un autre ou la communication de la vie d’un être vivant au bourgeon ne de lui. Mais ce n’est pas seulement la reproduction, c’est la destruction des phénomènes qui importe à la science. Aussi la science, à quelque région de la réalité qu’elle s’applique, doit-elle y rechercher, en second lieu, les oppositions qui s’y trouvent et qui lui sont propres : elle s’attachera donc à l’équilibre des forces et à la symétrie des formes, aux luttes des organismes vivants, aux combats de tous les êtres.

Ce n’est pas tout, et ce n’est même pas l’essentiel. Il faut, avant tout, s’attacher aux adaptations des phénomènes, à leurs rapports de coproduction vraiment créatrice. C’est à saisir, à dégager, à expliquer ces harmonies que le savant travaille ; en les découvrant il parvient à constituer cette adaptation supérieure, l’harmonie de son système de notions et de formules avec la coordination interne des réalités.

Ainsi, la science consiste à considérer une réalité quelconque sous ces trois aspects : les répétitions, les oppositions et les adaptations qu’elle renferme, et que tant de variations, tant de dissymétries, tant de dysharmonies empêchent de voir. Ce n’est pas, en effet, le rapport de cause à effet qui, à lui seul, est l’élément propre